vendredi 24 juillet 2015

Nomade fait le malin … la suite

Je m'étais préparé à ce que ça soit une navigation assez exigeante.
L'amiral à son époque l'avait bien exprimé, petit extrait souvenir si il le veut bien:
(... Les courants contraires entrent dans la partie. Des « marmites » se forment çà et là. Le bateau est poussé par derrière et freiné par devant. Les voiles claquent violemment entre deux creux. Entre le train de vagues d’ouest s’insinuent des vagues de travers, brusques, vicieuses. Obsession part dans des embardées très violentes, de plus en plus difficiles à contrôler. Si je laisse partir au travers de la vague??!!  je n’ose pas y penser…)
Les conditions que j'ai eues étaient peut-être un cran en dessous, mais j'y ai retrouvé l'ensemble de cette description faite il y a cinq ans et je risquerais de faire une redite...

Les horaires de renverse du courant variaient de plus d'une heure et demie selon les marées de référence fournies, 5 heures avant la pleine mer de Belfast ou 1 heure et demie après celle de Galway, ou même à la référence de Swilly Bay, ça ne correspondait pas.
Je me suis fait un tableau de calcul des heures de chacune, puis les estimations optimistes ou pessimistes de durée de parcours des 48 milles à parcourir depuis Arranmore, et à partir des fourchettes mini et maxi, j'ai opté pour un départ à 5H30 du matin pour assurer le passage dans le maximum de courant dans le bon sens, sinon le passage serait très dur, avec plus de deux noeuds de courant et une mer très dure avec houle croisée contre courant et vent contre courant.

En cas de souci, je me rabattais sur une des nombreuses baies avant le Malin Head et je reprenais le lendemain avec moins d'incertitude sur le temps de route pour être à l'heure.

Dès le début la mer était effectivement bien formée, avec une grosse houle croisée, de celle qui te fait partir dans des surfs avec des pointes à 11 noeuds et demi par l'arrière, puis des vagues de travers qui viennent tenter d'envoyer le bateau au tas.
Quinze à dix-huit noeuds de vent d'ouest donc au trois-quart arrière, allure grand largue mais souvent en limite d'empannage vu comme ça remue et je ne veux pas ajouter de route et avoir à empanner trop souvent car tout seul dans ces conditions ça tient du sport de combat. Un ris dans la grand-voile, génois roulé à la moitié, ça avance bien, jamais en dessous de 7 noeuds et demi, mais je dois barrer en permanence, juste quelques brefs instants la barre confiée à Tom pour descendre pointer à la table à carte en le surveillant comme le lait sur le feu.
Vers 13 heures 30, après plusieurs empannages chauds mais indispensables, j'arrive sur la fameuse zone.
La mer est vraiment abrupte et un peu dans tous les sens, en plus de belles surventes à 25 ou 26 noeuds s'y ajoutent sous quelques gros nuages à grains, je réduis du génois encore un peu et Nomade continuer d'avancer fort, un peu moins déséquilibré.
Il faut être vigilant à la barre, à un moment, une vague traîtresse venue de je ne sais quelle génération spontanée prend Nomade par le côté, juste en quelques secondes d'inattention où je trifouillais mes afficheurs, comme si le Malin avait voulu me faire un croche-pieds, tout juste si je ne l'entendais pas ricaner sur sa falaise.
 
Et là il m'envoie valdinguer bien comme il faut, le palan d'écoute part avec violence de l'autre côté du cockpit en m'envoyant promener, la traîtresse est venue exploser dans le cockpit, en m'arrosant copieusement, allez, on se ressaisit, on remet tout ça en place … Et on reste vigilant à la barre, pas le moment de trifouiller les instruments !

Et puis, comme l'avait vécu et raconté l'amiral, on sent à un moment que ça y est, on est passés, la mer se remet en place, elle s'étale, Nomade glisse souplement à 9 noeuds et demi dans les 2 noeuds et quelques de courant, allez, Tom, à toi le relais maintenant …!
Je regarde derrière moi, en repensant au récit de l'amiral Christophe 
(...Le bateau allonge la foulée, les embardées sont moins violentes. Encore quelques déferlantes, comme si Malin Head levait le poing en m’injuriant, de loin: – tu vas voir si je te rattrape, morveux! ...)
et je crois voir le Malin de son rocher effectivement comme un poing rageur, et … je vous jure que ce n'est pas pour faire un effet d'écriture, j'éclate de rire … on est passés ! 
Restent encore une trentaine de milles mais ce ne sont plus les mêmes, en plus le ciel s'est dégagé, il fait beau, le vent continue à envoyer ses quinze à dix-huit noeuds qui nous font tailler la route rapidement.

La suite ?
Sans doute tout de même un petit tour écossais avant de faire route sur Dublin par étapes pour y être vers le 5 ou 6 août pour préparer la route de retour. Ça me laisse une douzaine de jours …mais weather permitted, ne jamais l'oublier !
Aujourd'hui, incroyable, 28 degrés lus sur un panneau en ville, ciel bleu, touristes en tee-shirt, plus le même monde !
Du vent va revenir, ceci dit, dimanche, restons vigilants... Je viserai une planque écossaise ...

On est passés

Derniers bords de côte avant l'Irlande du Nord

 Nomade à l'unique ponton de Portrush

 Le fond du port


 ( pour l'Amiral ..) Le nouveau Yacht Club
c'était pas comme ça ya 5 ans ?

2 commentaires:

  1. en effet vu les photos il a même du ciel bleu mais toujours quelques alto Cirus persistants.belle étape Do

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  2. ah ben dis donc, je suis ému...je m'y vois comme si c'était hier...C'est initiatique hein! Tu verras, le Mull of Kintyre est pas mal non plus...
    C'est sur que le yacht club a bien changé, mais tant que la guiness est toujours là, et les belles rencontres qui vont autour. Perso j'avais pris une sacré cuite avec des Gallois (entre autres)! l'émotion sans doute.
    En tout cas, bravo Dom!! Belle nav. Que de chemin depuis la Teignouse, qui te paraitra maintenant une franche rigolade.

    "l'amiral"

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