vendredi 30 décembre 2016

Tout bien pesé

Tout bien pesé, j'avais bien besoin de cette dizaine de jours de repos à la Marina du Marin.
Et manifestement je ne suis pas le seul. Nombreux de ceux avec qui je discute me disent eux aussi, même s'ils n'étaient pas seuls mais en couples, par exemple, avoir été bien éprouvés et fatigués par cette traversée qui fut dure.
Dans les derniers jours, au plus fort des conditions, un voilier anglais qui avait cassé son safran de gouvernail a été très difficile à secourir, il a fallu deux cargos pour faire brise lames et un autre gros voilier pour l'approche et la récupération de l'équipage, et l'article de presse évoque une mer dure avec des vagues jusqu'à 6 mètres de haut …

Tout bien pesé, je me reconstruis à coups de bons petits plats … pour compléter les bons produits locaux, par exemple, les barquettes de pavés de boeuf étant vendues par deux au supermarché, je me suis attelé deux soirs de suite à un copieux pavé au roquefort, et j'ai même fait des frites à bord, oui oui, des vraies de vraies.... une renaissance, pouvez pas imaginer !!
… j'ai récupéré un petit kilo, mais là n'est pas le plus important, je sens l'énergie revenir, j'émerge mais il a fallu un peu de temps.

Côté Nomade, resserrages divers, jointages, révision de certains aspects du circuit électrique pour remettre certaines choses au propre.
J'ai eu quelques entrées d'eau pendant la traversée, et que je retrouvais sous le bac moteur et parfois venant courir sur le plancher du carré à l'intérieur … à priori j'ai plusieurs points d'entrée d'eau possibles par le cockpit lors des grosses vagues par exemple:
  • par les aérateurs qui sont tout à l'arrière du cockpit, je les ai bouchés.
  • Très probablement aussi par le banc de cockpit qui sert de fermeture au coffre arrière tribord car j'ai retrouvé un peu d'eau restante au fond du coffre, et cette eau finit par communiquer par les cloisons vers la zone moteur et le plancher du carré, là il faut que je surveille bien le jointage de la fermeture bien pressée au verrou.
Des idées diverses sur les ''plan B au cas où'' , un exemple: ma barre franche, en bois qui a du vécu, elle casse, je fais quoi ?
  • je travaille avec les matériaux que je trouve sur place, et donc je prépare le jumelage de deux manches de pioches tout beaux tout neufs avec bien sûr les prises d'accroche pilote et régulateur d'allure pré-installées… ça me paraît bien costaud … je vous montrerai ça une fois terminé.
Et puis mon rail de tangon devrait être remplacé lundi 2/01/17, donc je repartirai dans la foulée, direction Guadeloupe en prenant le temps.... les photos genre ''mouillage et cocotiers'' arriveront bientôt, promis ...

Tout bien pesé, cette année 2016 fut une année d'une grande intensité, depuis les préparations du bateau, de ma petite personne, jusqu'à ce voyage qui clôture l'année dans un niveau d'intensité qui a largement atteint mes espérances, voire ...

Souhaitons que 2017 soit du même genre de bon cru.
Elle commencera par 4 mois de navigation dans les Caraïbes - il y a pire - autant de temps qu'il m'en a fallu pour faire Bretagne – Martinique, ça laisse augurer que j'aurai le temps de flâner.
Et la route du retour, autre temps fort, ça, la route du retour, avec des possibilités de météo et de mer dures et en tout cas un suivi météo plus pointu et vigilant encore surtout sur la partie Caraïbes – Açores ...alors ...

Tout bien pesé, dans les bonnes résolutions de cette nouvelle année, une décision est d'ores et déjà prise, je l'avais envisagé depuis le tout début du projet comme une possibilité forte, et le contact est pris avec la personne pour les modalités, alors j'en fais l'annonce ici:
Je ferai cette route de transat retour en solo, ça j'y tiens, je ne déroge pas à l'essence de mon projet, mais je prendrai l'aide d'un routeur météo à terre pour la partie Caraïbes-Açores au moins (plus longue que la partie Cap-Vert – Martinique, avec les subtilités de jonglage entre les dépressions venant de Terre-Neuve et l'anticyclone des Açores). 
Celui que je connais bien pour avoir suivi sa formation météo par l'association Sail The World, c'est un pro du routage, c'est son métier, ( Michel Meulnet de searout.fr, allez, je lui fais un peu de pub ..) et la prestation pour un bon niveau de sécurité et pour éviter d'aller se fourrer dans les nombreux pièges météo – et il y en a des méchants parfois - de cette partie de transat retour, la prestation est à un prix très abordable.
En plus de ça, j'ai déjà envoyé ma fiche de déclaration de traversée au CROSS Griz-Nez en charge des navigateurs en eaux internationales, ils ont toutes mes coordonnées, les spécifs du bateau, mon projet de route et périodes, mon numéro Iridium … solo mais pas barjo, quoi, que la sécurité ne soit pas un vain mot …des moyens sérieux existent en la matière … autant les utiliser et le goût de l'aventure n'en est nullement déprécié.

En tout cas, à vous toutes et tous, qui me faites l'honneur et l'amitié de suivre ce voyage, je vous souhaite une année 2017 pleine de joie, d'accomplissements, et de sérénité !

samedi 24 décembre 2016

Transat ... Et ensuite

Je suis bien installé confortablement dans un petit coin au fond de la marina, près d'une mangrove.



Et je me remets tranquillement de cette épreuve, le ti'punch est bon, et question alimentaire, j'ai matière à me "remplumer" ... en effet à ceux qui notaient en commentaires "t'aurais pas maigri ?" je répondrai oui, de manière certaine.
La pesée ce matin dans une pharmacie m'a tout de même fait tout drôle, je ne m'attendais pas à ce résultat qui me ramène à un poids que j'ai dû avoir dans ma jeunesse ... remarquez ce n'est pas désagréable de retrouver son poids de jeune homme, non ?
Bon allez, le chiffre ? allons y comme ceci:
- dans ma vie de travailleur francilien jusqu-à il y a deux ans et demi, j'oscillais autour de 70 à 72 Kg
- depuis notre nouvelle vie vannetaise et ma fin de carrière, j'étais tombé à un poids de forme de 67 à 68 Kg
- verdict post-transat ? 62 ! je pense que je devais être autour de 66 au Cap Vert, c'est ce que j'avais vu aux Canaries , donc 4 kgs perdus sur la seule traversée de l'Atlantique à priori ?
De là à dire que c'est exigeant, une transat solitaire ...

La suite du programme:
Le 18 janvier, Marie Claire et Clémence viennent en Guadeloupe, je reste ici jusqu'à après les fêtes et je remonterai tranquillement sur la Guadeloupe, avec sur le trajet des choses assez sympa, toute la côte sous le vent de la Martinique, La Dominique, Les Saintes.
Puis nous irons nous ballader dans le secteur  alentour tous les trois.

La suite n'est pas définie, et la route du retour ne se fera pas avant début mai, donc j'ai du temps.
Bien entendu, les Iles Vierges ... à ne pas manquer...
Le sud des Antilles, Grenadines, je connais donc je ne pense pas redescendre, plutôt aller vers le haut.
Une idée assez ancrée tout de même depuis le début du projet : Cuba !
J'ai rencontré un vieux bourlingueur ici au Marin qui a pas mal de tuyaux en la matière ... ça me tente bien.

La carte du blog est mise à jour.
Mais j'ai aussi noté mon parcours depuis le début sur la carte papier ( il y a même le parcours Irlande)
Tenir ça dans ses mains ... un petit plaisir !
La visu sur ce que mon brave petit Nomade m'a permis de parcourir ...et de sacrés souvenirs rien qu'à regarder cette carte qui surgissent !



Et Nomade ?
Réparer, préparer les choses que j'ai notées en route en vue de la route du retour, en profitant qu'il y a tout ici au Marin.

Réparer le rail de tangon, photo : pourtant c'est un bel échantillon de métal, cassé net, ça a du pousser drôlement fort ! C'est Caraïbe Gréement qui va sen charger, il faut que ça soit un montage super-costaud.




Préparer : l'expérience des grosses vagues qui viennent exploser dans le cockpit et éventuellement inonder l'intérieur (sur le coup j'ai eu peur pour le circuit électrique et les instruments électroniques, ça peut vite tourner à la situation grave ...) m'a convaincu de renforcer mes panneaux de descente en plexiglas transparent.
Pose de renforts en alu, avec doublage du système de glissière pour limiter autant que possible les entrées d'eau en cas de déferlante.


vue de détail, le panneau glisse dans la glissière classiquement, et un profilé en alu+PVC vissé sur le bord du panneau glisse lui-même sur le montant extérieur de la glissière, ça fait une double glissière. Ajout en plus de traverses en alu également pour rigidifier mécaniquement, tout en gardant la faculté de voir ce qui se passe dehors quand on est réfugié dedans qui a été super pratique.
On voit en bas du panneau d'entrée, j'avais ajouté avant le départ de Mindelo un pontet d'accroche de harnais, de manière à pouvoir m'accrocher avant même d'être sorti dans le cockpit ... sécurité supplémentaire que j'ai utilisée dans les gros coups, de même que les lignes de vie sont centrées au maximum sur le pont et non pas au bord du liston comme souvent..ça ce sont aussi les enseignements de la formation STW "sécurité et survie en haute mer" = lignes centrées, longes courtes et on ne décroche pas une longe d'un segment de ligne de vie avant d'avoir accroché la suivante ... c'est comme en accrobranche... Je ne suis jamais allé à l'avant dans la baston sans suivre ces règles ... vitales !

Et puis pas mal de petites choses par-ci par-là, comme revoir le montage de frein de bôme en rajoutant une cadène de chaque côté de la coque à peu-près au maître-bau, pour améliorer le réglage et la tension.

Sur ce, je vous souhaite à toutes et à tous un joyeux Noel !






jeudi 22 décembre 2016

Transat - un peu d'images

Après une première nuit au mouillage dans la baie du Cul de Sac Du Marin, me voilà posé au ponton, bien placé tout au fond dans un petit coin tranquille près de la mangrove ... bien content, et puis je retrouve les amis quittés à Mindelo, on s'échange nos impressions, il règne une ambiance vraiment sympathique.

J'ai pris connaissance de tous vos commentaires laissés sur mes messages que j'envoyais par l'Iridium ... merci, vraiment, à toutes et tous !

Je mets ici quelques images triées sur ce que j'ai pu prendre pendant la traversée.
Pas facile de ne pas être roboratif, les plans sont tout de même souvent les mêmes vu ma capacité limitée à varier les angles de prises de vues, et la caméra a tendance a écraser un peu les effets, particulièrement la petite caméra type "Go-Pro" avec son grand angle, j'ai donc sélectionné ceci:

J+11 : Nomade fonce dans les alizés sous génois seul
la caméra est fixée sur le balcon avant.
J'y avais associé ce petit commentaire "poétique":


Cours, Nomade, cours
Dans l'alizé qui chante à tes oreilles
Cours, Nomade, cours
Vers le soleil qui tombera
Ce soir en feu dans la mer
Bas-toi Nomade, bas-toi
Dans la houle qui enfle
Ses montagnes molles
Aux teintes argentées de lune
Aspires Nomade, aspires
Dans tes poumons de toile
Ces bouffées de plaisir
Qui te font rouler des hanches
Avec une belle impudeur
Cours, mon petit Nomade, cours





Ensuite, j'ai sélectionné cette "auto-interview" qui reflète mon état d'esprit et mes ressentis du moment :

J+12 - impressions




Les grains:
C'est parfois  violent, du brutal je dirais même.
Et c'est surtout pendant la nuit qu'ils étaient nombreux et le plus difficiles à gérer car on ne les voit pas toujours arriver, et se reposer devient alors difficile.
J'ai remarqué cependant qu'on peut  les voir au radar.
Exemple sur cet échantillon de trois photos du radar.
Image de gauche, on voit cette masse de points concentrée qui arrive à quelques milles sur l'arrière tribord.
Image du milieu, il passe un peu sur le côté, heureusement sur celui-ci je ne suis pas dans le centre de ce petit monstre de fureur,  mais j'en récolte tout de même quelques beaux effets.
Image de droite, il est passé et se dissipe devant moi.




Video - le grain arrive


J'ai essayé de filmer la suite mais ça n'est pas facile, puis de l'intérieur derrière le panneau plexi de fermeture, les sons et des détails sont estompés, je vous laisse imaginer ...

J+16 - impressions ... vers la fin de la traversée






Photos diverses:

 Celui-là semble pas mal, non plus, mais c'est tout de même sacrément beau ...


 Tout chaud sorti du four ...


Les coussins sèchent au soleil après l'inondation de l'intérieur par la vague traitresse

 Mes panneaux en plexiglas transparent confectionnés avant le départ m'ont été d'une grande utilité, ils me permettent de me calfeutrer au sec tout en voyant bien ce qui se passe, notamment au niveau de la barre.


Les pinces  de la gazinière ne suffisent pas toujours quand ça remue trop, mais il faut bien se nourrir et correctement, dans ce cas les solutions "fil de fer" sont toujours utiles








 

mercredi 21 décembre 2016

Transat. - message 10

j'ai empanné la pointe de l'ilet Cabris Au Sud de la Martinique le 20/12 aux alentours de 19h30 TU soit 15h30 locales.
(Ça fait donc une traversée en 17 jours et huit heures.)
Le temps de remonter jusqu'au Cul de Sac du Marin, j'ai fini par trouver un mouillage à la tombée de la nuit.
Le nuit dernière, et donc la dernière nuit de cette traversée, me restera sans doute en mémoire durablement.
Grains sur grains, les uns derriére les autres, et du sérieux, je dirais du " brutal" jusqu'à 55 noeuds enregistrés, c'est violent.
Le souci c'est que cette activité de grains a lieu surtout de nuit ... Donc on le les voit pas bien venir ... Et on tombe dedans ... Et làça cogne dur parfois.
Donc tout ça ajoute àla situation d'inconfort dans ces nuits peuplées de ces grains sévères.
Et parfois il y en a qui durent.
J'ai aussi appris à les repérer au radar ... Je vous montrerai ça dans un prochain post...
Un dernier grain m'a salué après le passage de l'ilet Cabris.
Et puis la houle, bon sang cette houle ... Impressionnante ... 
Et le vent restait très soutenu au dessus de 30 noeuds hors grains... 
Un final éprouvant.
J'ai tout de même fait "péter" ma demi-champagne, il y a des impératifs auxUels on ne peut pas déroger , tout de même....

Allez je reviens avec des choses plus concrètes, et quelques images ... Dés que possible ...



 

dimanche 18 décembre 2016

Transat - message 9

position à 12H UTC le 18/12 : 14°52,5N 56°10,5W
distance parcourue = 1901 NM
distante restante = 275 NM

les condition, se musclent, la météo annonce un renforcement de l'alizé
vers 25 noeuds ... mais je les avais déjà , donc combien aurons-nous?
Houle grossit également, hauteur de vagues (H 1/3) annoncée à 12 pieds (
environ 4m), tout ça jusqu'à mardi à priori.
Depuis cette nuit, exemple:
- 3H45 TU - grain 41 noeuds
- 6H15 TU - grain 42 noeuds
- 7H40 TU - grain 42 noeuds
- 8H20 TU - grain 46 noeuds
- 11H30 TU - grain 49 noeuds

avec un petit bout de génois tout seul, le régulateur d'allure assure le
passage assez bien, je sors dans le cockpit pour préparer la bagarre et
je ferme tout pour garder l'intérieur bien au sec, et ensuite je reste
sous génois seul ... jusqu'au prochain grain ... le vent va monter dans
les 30 noeuds établis en principe , voire plus ...
je fais cap direct donc une arrivée probable mardi en cours de journée ...

Prochain post sans doute depuis l'arrivée sauf si info à passer.

vendredi 16 décembre 2016

Transat - message 8

position le 16/12 à 12H UTC : 15°16.8N 52°04W
Distance totale parcourue: 1641 NM
Sur les dernières 24H : 122 NM
Distance restante: 515 NM

J+13 ! Sans faire "mon Moitessier", en solitaire ça commence à s'appeler
une "longue route".
Après la période des grains ponctuée par l'inondation nocturne du carré
par une vague traitresse, le temps est redevenu un
beau temps d'alizés, ciel bleu et cumulus, vent entre 20 et 25 noeuds,
quelques poussées à 30 parfois, belle houle par
l'arrière.
J'ai tout remis, grand-voile, génois tangonné.
On revit, on bricole, on bouquine (dernier en date, j'ai dévoré avec
délectation "Au-revoir là-haut" de Pierre Lemaître), on
fait du pain ...on "ne fait rien" qui devient tout un art.
Avec une vigilance sur un point important: surtout ne pas se laisser
s'installer un déficit de sommeil ... dormir, souvent,
dormir autant qu'on peut, la nuit mais le jour aussi.
Je m'en sors assez bien sur ce plan, et je perçois maintenant très vite si
je suis en manque ou pas.
Et puis il faut être prêt à réagir à tout moment avec "tous ses moyens".
J'arrive à bien dormir sans m'imposer de sonnerie
de réveil, et une sorte de "sixième sens" me réveille très vite, le bruit
de fasseyement d'une voile quand le cap a dévié un
peu, par exemple, suffit.

Nuit dernière, (décidément, la nuit!), réveillé bruyamment par la rupture
du rail de chariot d'accrochage de tangon à
l'avant du mât, ça chahutait sérieusement à l'avant, et surtout l'urgence,
aller ranger tout ça avant que le tangon battant
en tous sens ne vienne déchirer une voile (tout en pensant d'abord à
mettre le harnais et la longe crochée à la "ligne de
vie", elle porte bien son nom celle-ci, pour aller s'escrimer à l'avant
avec tout ce bazar, c'est la nuit, ça remue, on y
voit pas bien ... si on n'a pas les idées en place, on fait vite des
conneries, ya pas d'autre mot !
Rail cassé net !
Réparation même de fortune en route, inutile, ça ne tiendrait pas.
Donc désormais je navigue sans tangon sur le génois, l'incidence "n'est
que" je peux moins aller chercher le vent arrière et
je perds un peu en efficacité cap et sur la fameuse VMG (voir message 3)
... pas bien grave, un jour de plus pour arriver ou
pas , et alors ?

Restons cool et continuons d'apprécier cette tranche de vie hors du
commun.

Dom à bord de Nomade, posté le 16/12 à 12H UTC par Iridium
position le 16/12 à 12H UTC : 15°16.8N 52°04W
Distance totale parcourue: 1641 NM
Sur les dernières 24H : 122 NM
Distance restante: 515 NM

J+13 ! Sans faire "mon Moitessier", en solitaire ça commence à s'appeler
une "longue route".
Après la période des grains ponctuée par l'inondation nocturne du carré
par une vague traitresse, le temps est redevenu un
beau temps d'alizés, ciel bleu et cumulus, vent entre 20 et 25 noeuds,
quelques poussées à 30 parfois, belle houle par
l'arrière.
J'ai tout remis, grand-voile, génois tangonné.
On revit, on bricole, on bouquine (dernier en date, j'ai dévoré avec
délectation "Au-revoir là-haut" de Pierre Lemaître), on
fait du pain ...on "ne fait rien" qui devient tout un art.
Avec une vigilance sur un point important: surtout ne pas se laisser
s'installer un déficit de sommeil ... dormir, souvent,
dormir autant qu'on peut, la nuit mais le jour aussi.
Je m'en sors assez bien sur ce plan, et je perçois maintenant très vite si
je suis en manque ou pas.
Et puis il faut être prêt à réagir à tout moment avec "tous ses moyens".
J'arrive à bien dormir sans m'imposer de sonnerie
de réveil, et une sorte de "sixième sens" me réveille très vite, le bruit
de fasseyement d'une voile quand le cap a dévié un
peu, par exemple, suffit.

Nuit dernière, (décidément, la nuit!), réveillé bruyamment par la rupture
du rail de chariot d'accrochage de tangon à
l'avant du mât, ça chahutait sérieusement à l'avant, et surtout l'urgence,
aller ranger tout ça avant que le tangon battant
en tous sens ne vienne déchirer une voile (tout en pensant d'abord à
mettre le harnais et la longe crochée à la "ligne de
vie", elle porte bien son nom celle-ci, pour aller s'escrimer à l'avant
avec tout ce bazar, c'est la nuit, ça remue, on y
voit pas bien ... si on n'a pas les idées en place, on fait vite des
conneries, ya pas d'autre mot !
Rail cassé net !
Réparation même de fortune en route, inutile, ça ne tiendrait pas.
Donc désormais je navigue sans tangon sur le génois, l'incidence "n'est
que" je peux moins aller chercher le vent arrière et
je perds un peu en efficacité cap et sur la fameuse VMG (voir message 3)
... pas bien grave, un jour de plus pour arriver ou
pas , et alors ?

Restons cool et continuons d'apprécier cette tranche de vie hors du
commun.

Dom à bord de Nomade, posté le 16/12 à 12H UTC par Iridium

mercredi 14 décembre 2016

Transat - message 7

position le 14/12 à 12H UTC : 15°30N 48°10.8W
Distance parcourue : 1396 NM
Distance restante : 738 NM

Temps à grains depuis lundi, avec grosses surventes, jusqu'à 47 noeuds où
ça a été chaud, je me suis fait surprendre plusieurs fois, ils arrivent
pendant que je me repose et quand on est dedans avec la toile, tout seul,
ça devient la guerre.
Affaler, renvoyer, ça n'en finissait plus,j'ai affalé la grand voile et je
fais route au génois seul, si un grain arrive, j'ai juste a rouler le
génois, me calfeutrer a l'intérieur et attendre, c'est plus cool, mais au
final, ma moyenne a baissé ... mais je fais route plus directe, sans avoir
à empanner, détangonner, retangonner, sans arrêt.
Cette nuit une déferlante a explosé dans le cockpit et inondé le carré
intérieur, pompage, écopage,essuyage, séchage ...plus d'une heure de
boulot, ça réveille !
Les coussins sèchent au soleil ce matin.

Mais les Antilles approchent, mine de rien, alors ... tout va bien!

Dom à bord de Nomade, posté le 14/12 à 12H00 par Iridium

lundi 12 décembre 2016

Transat - message 6

Position à 12H UTC = 15°54.8N 44°21.8W
Distance parcourue = 1162 NM
Distance les dernières 24H = 136 NM
Distance restante = 960 NM

Nombreux nuages à grains apportant des surventes jusqu'à 39 Noeuds
enregistrés, puis le vent reste dans les 30 noeuds.
Sinon dans les zones dégagées, il reste 25 noeuds en moyenne.

Grand voile réduite sous 2 ris et un "mouchoir de poche" pour le génois,
ça avance encore à 6,5 noeuds, mais ça roule moins, il faut préserver un
peu de confort.
Je barre en manuel dans les gros coups à 35 noeuds et je repasse la barre
à Ben le régul'sinon.
Belle houle assez forte pour accompagner tout ça, , ces montagnes molles
qui m'arrivent par l'arrière en se déchirant d'écume à leur sommet, c'est
beau et fascinant cette cavalcade des éléments vers l'infiniment
horizontal ...

Tout va bien à bord, je suis sur mon cap, et ça avance bien.
J'ai fêté hier dimanche le passage de la ligne de mi-parcours avec une
belle série de crêpes ...

samedi 10 décembre 2016

Transat - message 5

Position le 10/12 à 12H TU = 16°27N 39°59W
Distance totale parcourue = 895 NM ( 900 à 13H)
Distance sur les dernières 24H = 135 NM
Distance restante = 1220 NM


Je vois les milles nautiques défiler sur le compteur et ça doit sans doute
contribuer à mon moral au beau fixe.
Le sentiment du début ( ... bon sang c'est quand même une longue route
...l'espace temps n'est pas vraiment conforme à ce
que l'on a l'habitude de vivre) mêlé à une espèce de petite boule aux
tripes devant cette immensité qui m'attendait seul a
laissé place à une sorte de sérénité qui s'est installée petit à petit, la
vie à bord est plutôt agréable, avec un
incontestable côté contemplatif ... ça faisait partie du jeu.
Je suis presque à mi parcours, j'y serai demain (dimanche 12/12) en milieu
de journée et je compte bien fêter un peu ça à ma
manière.
Vendredi 9/12 le vent a baissé un peu et infléchi sur l'Est dans la
journée, j'ai donc remis les voiles en ciseau, génois
bien ouvert et bloqué au tangon, grand voile ouverte à l'opposé du génois,
babord amure et bien bloquée elle aussi au frein
de bôme, et j'ai réglé la pale de l'aérien du régulateur d'allure bien
dans l'axe par l'arrière, et je n'en finis pas d'être
épaté.
J'ai maintenu un cap ouest légèrement sud qui tombe bien car il va falloir
que je descende un peu, mon point d'arrivée au
sud de La Martinique est à 14°22 ( normal que je sois monté, la route
orthodromique que je suis au mieux possible est
légèrement incurvée par le haut).

Depuis la nuit dernière, le vent est remonté autour de 25 noeuds et j'ai
remis la grand voile tribord amures avec un ris.

Nomade glisse à 6,5 noeuds sur son rail malgré la houle arrière, avec
quelques belles accélérations de "surfs" sans que
j'aie à retoucher le réglage du régulateur ...je trouve ça bluffant et
j'ose dire, mieux et plus agréable que le pilote
électronique avec son calculateur ! Moi qui fus électronicien de
formation, et qui ai eu à travailler sur des systèmes
d'asservissement de position, voir ce machin purement mécanique sans
aucune énergie électrique d'alimentation et d'une
simplicité conceptuelle totale... vraiment ...j'applaudis !
La condition sinequanonne, la bonne surface de toile et bien réglé, ce qui
semble assez naturel et même sain comme exigence.


Côté météo, pendant que Nomade glisse sur son rail alizéen, j'ai entrepris
de tester la réception des cartes météofax par
les ondes radio-BLU.
Northwood en Angleterre ou Hambourg en Allemagne sont trop loin et
diffusent des infos sur Atlantique Nord, par contre j'ai
réussi à capter Boston, mais seulement à la nuit tombée, mystère de la
propagation des ondes, mais phénomène assez courant,
ça passe mieux après que le soleil soit couché.
L'intérêt de la chose n'est pas des moindres, contrairement a la réception
par téléphone satellite Iridium, c'est
totalement gratuit, il faut juste être prêt au moment des horaires des
diffusions, mais il suffit d'avoir calé la
fréquence en début de la zone horaire de diffusion et ensuite, avec les
séquences de signaux de Start/Stop, ça se débrouille
tout seul, et ça range les fichiers reçus sur l'ordi ... magnifique, non ?
La carte intéressantes émise par Boston est la "High WIND/WAVE warning
chart" ou "carte d'alerte des vents et vagues fortes"
sur la zone tropicale.
Et le plaisir d'entendre le grésillement des octets sur les ondes (on peut
couper le son sur l'ordi de réception/décodage
mais ça ajoute un petit côté amusant, désuet)et de voir apparaître sur
l'écran de l'ordi, ligne par ligne comme un fax, la
carte au milieu de laquelle est écrit dans un rectangle encadré "Area void
of winds 35Kts or greater", ou "pas de
vents 35 noeuds ou plus sur la zone" autrement dit "pas d'avis de baston
en cours ni prévu" ...voilà qui est bien !

Idéalement il faudrait que j'arrive à capter New Orleans pour avoir les
cartes d'analyses plus complètes intégrant la zone
tropicale, mais pour le moment pas de New Orleans ... signal plat... mais
bon, j'ai l'Iridium.
Pour la route du retour en tout cas, avec Boston, j'aurai ce qu'il faut en
cartes meteofax gratuitement. ( en ce moment,
tempête à force ouragan en développement à l'est de Terre-Neuve , fait pas
bon être là-bas ni remonter aux Açores en cette
saison...)

Finalement à bord de Nomade, "tout baigne" !!
Manque juste la dorade coryphène réglementaire de toute bonne transat, va
falloir que je retravaille le sujet ...

jeudi 8 décembre 2016

Transat - message 4

Position le 8/12 à 12H TU : 16°42N 35°37W
Distance parcourue depuis le départ : 636 NM (moyenne globale 5,3 nds)
Distance sur les dernières 24H : 130 NM
Distance de l'arrivée : 1468 NM (soit un peu plus de 11 jours restants estimés)

Nuit du 6 au 7/12
Après la "molle" de la veille et ma descente en cap pour aller le chercher, le vent est revenu progressivement dans la
journée du 6 autour de 20 noeuds.
Nomade est pleine toile, génois tangonné, et marche bien, J'ai Sirius et la constellation d'Orion dans mon arrière, un clair
de lune dans mon avant, c'est magnifique, le reflet lunaire sur les têtes des vagues donne à la mer une teinte argentée et
la nuit estompe la houle qui parait moins grosse, moment magique, un magnifique tableau en clair-obscur ... un Caravage ?

3H30, je suis réveillé par un fort bruit de claquement sec puis par le bateau qui perd son cap, barre décrochée, part "au
tas" et le temps que je sorte dans le cockpit c'est la pagaille, les voiles qui battent et claquent en rajoutent toujours
dans ces cas là sur l'impression que "c'est la guerre", et surtout quand tout ça arrive de nuit.
Restons calme ...
Je vois qu'une des deux poulies de chemin des commandes de barre du régulateur d'allure a cassé, d'où le bateau qui
est parti en vrac.
Mais en vertu du théorême de l'emm..dement maximum, la bateau en partant "au tas" a dû passer sur la ligne de traine de
l'hydrogénérateur, car elle est venue se coincer sous le safran de gouvernail.
Me voilà bon pour une nouvelle opération nocturne mouvementée.
Redresser le bateau, remettre bout au vent pour y voir plus clair, passer sous pilote, calmer le jeu (et rester calme
soi-même) en enroulant le génois, puis ce fichu tangon qui du coup se met à battre et cogner ... aller à l'avant pour le
bloquer, mais hé, ho, ton harnais, garçon ! Pas le moment de s'égarer dans des manoeuvres hasardeuses comme ça en pleine
nuit, stabiliser un cap bout au vent au moteur, remettre les voiles en ordre, puis entreprendre de décoincer la ligne
d'hydrogénérateur sous le safran ... ça me prendra un ... certain temps ... avec l'hélice de traine qui est encore à l'autre
bout et qui tire et veut tourner, provoquant des sacs de noeuds sur la ligne coincée, remonter tout ça,le démêler, le
remettre en service ... ça y est je refais route normalement ... et je produis de l'électricité à nouveau pour tenir mes
batteries en charge.

Pour la poulie du régul', je verrai ça au matin, en plein jour, et ce sera effectivement réparé au jour levé, en attendant
je remets Tom le pilote. Allez Benhur, bonne fin de nuit ...

L'incidence de la rupture d'une banale petite poulie de renvoi tout de même, ça donne à réfléchir sur les
choix techniques qu'on fait jusque dans le moindre détail, notamment la qualité des matériaux.
Encore une leçon nocturne ... j'ai pris un abonnement ?

Un café bien mérité et au lit, la nuit est encore longue, je dois être dans une zone à TU-3 (j'ai dépassé les 30°W, donc à
15° par heure de longitude ça fait le compte) et le jour arrive de plus en plus tard au fil de ma route.

Dans la nuit le vent monte encore, jusqu'à 27 noeuds (pour des fichiers GRIB qui donnaient 17 tout au plus ... quand on
dit qu'il faut en rajouter ...) et la houle a grossi, le pilote est à la peine, gain au maxi ne suffit pas vraiment.
Je réduis le génois, je reprends un ris à 6H30.

Journée du 7 et nuit suivante: R.A.S.
le vent a des variations entre 18 et 23 noeuds, quelques poussées plus fortes parfois, il faut donc rester vigilant, avec la
houle permanente et assez conséquente en plus, on a vite fait de partir au lof et on est vite sur-toilé.

J'ai pris la résolution suivante:
Le jour je retire l'hydrogénérateur pour diminuer la trainée, je mets la toile maximum que tient "bien" le régulateur,
j'optimise la marche du bateau qui fait pour le moment cap quasiment direct sur La Martinique, allure entre "grand largue"
et "vent arrière".
La nuit, je remets l'hydrogénérateur en service, je prends un ris, j'optimise ... le repos !
J'ai passé une nuit excellente, bien dormi, presque une nuit de terrien !

A part ça ...?
J'ai déjà dévoré deux bouquins, depuis le départ de Mindelo.
J'ignore tout du paysage politico-médiatico-news of the world ... et finalement j'arrive à survivre.
Ai-je loupé des infos majeures, dites-moi ? Visiblement la terre tourne toujours, ça je vous le confirme...
Et mon "saucisses lentilles cuisinées maison" au dîner était excellent.
Là aussi il faut juste être vigilant pour ne pas envoyer une escadrille de lentilles voler à travers le carré.

bises à toutes et à tous

Dom à bord de Nomade, message posté par mail Iridium

mardi 6 décembre 2016

Transat - message 3

position le 6/12 à 8H00 TU = 16°34N 30°48W
distance totale parcourue = 354NM
distance restante = 1757NM

Le vent mollit progressivement le 5/12 et descend très Est, ce qui fait
remonter mon cap trop NW jusqu'au dessus de 17
degrés de latitude Nord, avec peu de vitesse donc une VMG ( velocity made good
= vitesse efficace sur la route )
moyenne sur le parcours des dernières 24 heures assez déplorable d'à peine 4
noeuds.

J'empanne dans l'après midi, puis je finis par me mettre plein vent arrière,
voiles en ciseaux, c'est à dire grand-voile
sur un bord et génois sur l'autre, le tout bien bloqué pour éviter que ça parte
d'un bord sur l'autre violemment dans une
vague. Pour ceci, j'ai tangonné le génois et bloqué la bôme de grand-voile avec
un frein de bôme. Ces bords plein arrière
sont souvent délicats à tenir car le bateau risque de partir au moindre écart
dans le roulis des vagues. J'ai tenté de le
porter au régulateur d'allure, et étonnamment il tient tout à fait bien, la
pale d'aérien bien calée dans l'axe du bateau,
Benhur assure comme un chef, je n'y croyais pas trop pourtant..

Un peu de parlotte VHF avec Génésis qui sont devant moi à 6 milles, et qui ont
fait le même choix du vent arrière en ciseaux
sans qu'on se soit concerté. Ils m'appellent à l'heure de l'apéro alors que
voulez vous … je m'en sers un petit, pour leur
tenir compagnie, ya pas de raison.

23 heures, nuit en clair de lune, le vent mollit encore et je reste trop haut
en latitude, je vais m'enfoncer dans la zone
de "molle", il faut changer d'option.
J'empanne à nouveau et je largue mon ris, la nuit sera calme, pour faire un
bord sud-ouest que je tiendrai toute la nuit
pour aller chercher du vent plus au sud, comme me l'indiquent les données météo
téléchargées aujourd'ui au petit matin par
l'Iridium.
Concernant le largage de ris dans la grand-voile et le changement du tangon, en
pleine nuit eh bien en solo c'est du boulot,
avec le feu de pont allumé, bien harnaché pour aller à l'avant en sécurité.
Débrancher le régulateur et remettre au pilote
le temps de la manoeuvre, et de nuit tout se complique, on n'a pas les repères
visuels et d'orientation, le bateau déréglé
part dans le mauvais sens, le pilote ne comprend plus, l'hydrogénérateur ne
fournit plus, ça dure et avec le projo et tout
le reste … bip bip, battery low …trop de consommation c'est l'enchaînement
galère..allez moteur, on se concentre, on reste
calme et on reprend tout avec méthode.
Je finis tout ça par une nuit de sommeil réparatrice, 7 heures de sommeil en 3
tranches, réveillé parfois par les petits
riens perçus par les sens qui restent en éveil.
La bôme par exemple qui grince un peu dans la baisse de vent et qui joue son
grincement sur une mélodie à deux notes, ça
fait comme un "sol" – "do" "sol" – "do" ( ... c'est Nomade qui joue avec mes
nerfs ... "t'es seul, Do, seul, Do" ... coquin
de Nomade, laisses moi dormir un peu !

Le jour se lève, je vais garder mon cap sud-ouest encore un peu avant de
ré-empanner. Je suis allé chercher du vent … je
crois que je l'ai trouvé, et les fichiers GRIB météo me montrent clairement,
au-dessus de 17 degrés de latitude, c'est trop
mou, et, là à 8 heures TU, je suis descendu à 16°34, ça va être mieux pour
repartir ouest bien appuyé.

PS = après cette mise en conditions de début de transat, et ces posts pour vous
donner l'air du temps et partager avec vous
mes sensations, je ralentirai sans doute la fréquence des publications, il faut
aussi que j'économise mon précieux quota de
communication Iridium.
En tout cas, tout va bien à bord.

Bises à toutes et à tous.

lundi 5 décembre 2016

Transat - message 2

position à 10h00 UTC :
distance parcourue en 46 heures: 252NM , soit une moyenne de 5,5Nds
distance restante : 1841NM

Je crois que ma nouvelle hélice tripale fixe me pénalise un petit peu tout de même en vitesse ...puis j'ai aussi la traînée
de l'hydrogénérateur que je laisse en fonction, pour avoir l'énergie qu'il faut pour le froid alimentaire et les instruments
surtout la nuit, pas de dérogation sur la sécurité, je suis seul, il faut contrôler et veiller un minimum, tout de même...

Le rythme de vie de la longue route solitaire s'installe peu à peu.
En témoigne mon dîner d'hier soir, sous un soleil tombant en feu rougeoyant devant Nomade pour aller se noyer dans l'océan.
Je cuisine le frais autant que possible et tant qu'il y en a: un petit chou vert cuisiné avec une tranche de lard, ça vous
redonne l'énergie de préparer ça en prenant soin que les choses ne partent pas dans tous les sens dans une vague espiègle.

Tombée de la nuit, lune en premier quartier et puis à trois doigts en dessous, superbement brillante un peu bleuté, Vénus,
comme une perle dans le ciel.
Puis le soleil qui revient par l'arrière pour me saluer de nouveau.
Je fais en quelque sorte la course du soleil.
Au matin, je délaisse le bol de corn flake de la veille, petit déj royal cette fois-ci, oeufs au lard, orange capverdienne
pressée,yaourt coco, thé.

Dans ce cycle là, je me dis souvent que les marins des temps très anciens, quoi qu'en disaient les autorités religieuses de
l'époque, celles qui faillirent brûler Galilée et l'obligèrent à se renier, devaient percevoir que tout ça c'est rond, que
ça tourne, et que ça n'est certainement pas plat.

Hier un oiseau, de la taille d'un fou de bassan, plumage gris, mais bec effilé, est venu tournoyer autour du bateau pendant
un long moment, repassant tout près du gréement comme s'il inspectait la possibilité de se poser. Je voyais son oeil
interrogatif.
"Allez, viens te reposer un peu ...".
Puis il a décliné et s'est éloigné.

La houle n'est pas trop forte, elle a diminué un peu et le vent se stabilise autour des vingt noeuds, Nomade glisse dans les
alizés ... avec bonheur pourrais-je dire.
Milieu de nuit, un feu de route sur babord, il me gagne progressivemet puis m'envoie des signaux lumineux auxquels je
réponds. Il n'a pas d'émetteur AIS , je ne peux pas savoir qui c'est.

Je redors et "ding, ding" ... "ding, ding" .. alarme AIS, un voilier fait route sud et me passe devant à 2 milles ... merci
l'AIS!

Et au petit matin, appel VHF "Nomade, Nomade, de Genesis, Genesis" ... non, c'est pas Phil Collins ni Peter Gabriel qui
m'appellent, Genesis est un gros voilier Chattam coque acier, des gens avec qui j'ai fait connaissance depuis pas mal
d'escles, mais ils n'ont pas d'émetteur AIS, juste un récepteur, donc eux me voient, moi pas, cette nuit les signaux c'était
eux. On cause un peu en VHF, ça fait du bien. Je les ai en ligne de mire depuis. Leur bateau étant bien plus lourd, ils ont
laissé toute la toile, moi j'ai gardé mon ris, question de confort ... puis je ménage la monture, ya pas le feu, ça glisse
gentiment, tout est bien...

Chronique d'une vie ... presque ... ordinaire ?
Chronique dune tranche de bonheur.

dimanche 4 décembre 2016

Transat - message 1

position à 13h30 UTC : 16°55,8N 27°24.5W
distance parcourue dans les premières 24H : 133NM

Des belles rafales à 35 Nds dans le goulet au départ, un peu de dévent
derrière Santo Antao, puis désormais un bon vent de 25Nds NE (des alizés
pour de vrai) et un belle houle finalement bien arrière, Nomade marche
bien ...1 ris grand voile et génois complet ... et je dors bien ...
j'ai eu un peu de mal à régler le régulateur d'allure qui manquait
d'amplitude de barre pour rattraper les écarts dûs aux trains de houle,
donc Tom le pilote électrique a été mis a contribution. Puis j'ai reculé
le point de tire du régulateur sur la barre et là c'est bon, Benhur fait
son boulot et rattrape comme il faut même au portant.

La flotille du départ s'est éparpillée hier dans la soirée ...
plus personne a l'horizon ...plus une trace AIS, j'en ai vu partir très
sud... je suis mon cap de route directe pour le moment et tout va bien ...
seul au monde ...

Ô temps suspends ton vol ( enfin pas trop quand même ...)

bises

samedi 3 décembre 2016

Départ imminent ...

Je profite des derniers instants de réseau 3G pour vous adresser mes remerciements pour vos nombreux messages , qu'ils soient par commentaire sur le blog, par mail, par sms ...
Ils me font chaud au coeur.

Le vent souffle bien dès ce matin et j'aurai sans doute une belle accélération dans le couloir entre Santo Antao et Sao Vicente, là où Alex Thomson est venu chercher la survente pour doubler tout le monde dans le Vendée Globe.
Après, ça devrait se stabiliser pendant les jours à suivre entre 15 et 20 noeuds NE, d'après les grib, donc certainement plus. La houle est encore très Nord voire NNW, donc je l'aurai sans doute par le travers pendant quelque temps. Je l'aurais préférée ENE par exemple, bien par l'arrière pour surfer un peu ... Mais c'est pas moi qui commande ...!
La hauteur moyenne des vagues annoncée oscille entre deux et trois mètres, mais la période est assez longue, genre douze à quatorze secondes donc elle ne devrait pas être trop gênante comme me sont parfois ces mers courtes et croisées.


Mindelo, rampe de lancement des vaisseaux impatients
Je te quitte avec un petit pincement au coeur,

Je compte sortir de la baie accompagné de la musique de Cesaria Evora, pour vous donner une idée sonore de l'ambiance dont j'ai envie de m'entourer, il y a particulièrement le morceau intitulé "Isolada" ( vous le trouverez facilement sur Youtube)

Et puis je conclue avec ce très beau poème de Jose Maria de Heredia en vous faisant des bises à toutes et à tous.
A bientôt pour de brefs messages de temps en temps sur le blog.

Les conquérants

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;

Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.

vendredi 2 décembre 2016

Le grand saut



C'est comme si jusqu'ici cela n'avait été qu'un intermède, une mise en jambes, malgré tous ces milles déjà parcourus, ces escales toutes plus belles les unes que les autres, Galice, Portugal ( Porto, Lisbonne … ah Lisbonne …), puis Porto Santo, Madère, Les Canaries ( La Graciosa, Lanzarote, Tenerife, La Gomera, El Hierro)
… puis Le Cap Vert … point d'orgue du premier épisode.

Quels adjectifs trouver pour le Cap Vert?
Dépaysant, attachant, coloré, accueillant, authentique, beau, chaloupé de ses musiques, mornas, sodades, jusque dans ce petit resto en fin de rando à Ponta Do Sol sur Santo Antao, un djembé ert une guitare toute simple et le guitariste qui chante, assis sur un tabouret auprès des tables où l'on dîne, sans rien d'autre, sans micro, sans sono, ça chaloupe toujours un peu, cette musique, vaguement rythmée par le bruit du ressac qui s'écrase sur les rochers et des cris d'enfants un peu plus loin qui jouent encore à la nuit tombée.

On oublie facilement les quelques quémandeurs permanents guettant notre passage de la sortie de la marina, à Mindelo, en nous lançant des « hé, mon ami », « hé capitaine », et qui finissent immanquablement par nous demander quelque chose.
Comme Umberto, toujours chaleureux, qui te fait des grands signes sitôt que tu passes le quai de la marina en te donnant des "Hé, mon ami !" te serre la main, te passe la main sur l'épaule comme un vieux pote et suit ta marche jusque dans la rue, et puis vient sa litanie habituelle … «je peux faire du travail sur ton bateau, mon ami … un petit travail pour moi» … et moi de lui répondre à chaque fois «mais non Umberto, je t'ai déjà dit, mon bateau est petit et je suis tout seul dessus, j'ai pas de travail à te donner» … Et Umberto n'insiste jamais trop, puis le lendemain il me ressort son sourire chaleureux et sa sempiternelle litanie en venant vers moi … comme si ça devait faire partie du folklore … pas «chiant» Umberto, juste collant des fois, quand même … Et puis l'autre jour il avait été embauché sur un gros Oceanis 55 américain, pour faire des bricoles genre nettoyage. Umberto pavoisait lorsque je suis passé à côté, on a bien rigolé ...

Ne serait-ce pas finalement une erreur de faire une boucle atlantique sans passer par le Cap Vert?

L'avitaillement ..conséquent … est quasiment achevé, le bateau rangé, les pleins d'eau et gasoil faits, l'inventaire des conserves et aliments de base, riz, pâtes, farine, légumes secs genre lentilles, etc ...tout est ok, me reste à acheter du frais, des fruits, des légumes ( la viande, les jambons, les saucissons, les gars, au Cap Vert on oublie …) pour tenir une bonne partie de la traversée, 16 à 18 jours probablement.

Il me reste à changer mon génois , pas la peine de laisser un mylar-double taffetas coupe tri-radiale taillé pour la régate pour faire 2100 milles de portant, je vais remettre le génois standard en dacron.
A part ça je crois bien que je suis quasiment prêt ….

L'ambiance est aux départs, qui ont commencé. On fait des grand au-revoir aux partants, en leur lançant des « bonne traversée », des «safe crossing », on discute sur le choix de descendre un peu sud pour chercher plus de vent et éviter une « molle » qui se présenterait dans les jours à venir mais qu'on se demande si ça vaut vraiment le coup de descendre… On se dégringole d'internet des fichiers GRIB, des cartes d'analyse de surface et de prédiction Wind/Wave, et on boit des coups en échangeant ses choix …

Et bien voilà … j'en ai rêvé, de ce moment particulier, effleuré il y a 9ans déjà en équipage à bord d'Akela, partis de ce même endroit, Mindelo. Je m'étais juré que je le referais, en solitaire... J'y suis.

Sur le plan de l'émotion … je ne vous en dis pas plus.
Vendredi, police des frontières faire tamponner le passeport pour la sortie de territoire, police maritime pour récupérer les papiers du bateau ...

Je largue les amarres samedi, et j'ai un océan à traverser …
J'ai crevé l'oreiller,
J'ai dû rêver trop fort,
(...chantait Bashung ...)


jeudi 1 décembre 2016

Rando sur Santo Antao

Trois jours de randonnée de ceux qu'on aura du mal à oublier.

Jour 1 
Avec Marie-Claire et Alexis nous laissons Nomade au ponton de Mindelo et prenons le ferry pour Santo Antao, l'ile proche, au lever du jour.

 La baie de Mindelo au lever du jour
 Santo Antao, proche de notre point de départ, un ancien cratère cultivé





 Un peu de pluie, les capes sont de sortie






 Premier hébergement à Coibras, Casa Zeca

 La vallée vue de Casa Zeca

Jour 2
 Petit déj copieux !

 Nous avons loupé une bifurcation ... 
un aluguer de passage nous permet de refaire route inverse 







 Le midi,arrêt chez Dona Joana, elle était sensée nous préparer un pique-nique
Nous avons droit à un accueil chaleureux et à un repas copieux !
Adorable Joana, 52 ans, 11 enfants, joviale, elle guettait notre descente de la montagne et nous a fait de grands signes avec un torchon blanc pour nous indiquer la bifurcation

Vue de la terrasse de Joana

Notre destination finale en bas de la vallée, le village de Cha de Igleja


Jour 3




Le chemin serpente à flanc de falaise, dans des reliefs vertigineux






Ponta Do Sol, notre destination finale

Jour 4 - avant le retour sur l'île de Sao Vicente


Retour de pêche


S'il fallait conclure brièvement, je dirais ceci :
Allez-y !!!

Marie-Claire et Alexis repartent, l'atmosphère est au grand départ.
Les discussions de pontons tournent autour d'un sujet principal : les alizés sont-ils établis ?
A priori, cette fois-ci ça semble se mettre en place, les départs sont imminents, dans les jours à venir.
Samedi 3 décembre peut-être ? 
A suivre ...