dimanche 24 septembre 2017

Groix - Au bonheur des brumes


Il faut finalement peu de temps pour se réacclimater, pour retrouver ses marques.

Après mon arrivée fin juillet, tout semble s’être remis en place en peu de jours pour faire en sorte que la vie reprenne son cours dans cette espèce de normalité qu’est la vie de terrien sédentaire. Les enfants et petits enfants qui viennent passer un temps de leurs vacances, c’est l’été, les amis, les barbecues qui crépitent, le confort retrouvé d’une maison qui parait immense par rapport à cette année de vie dans les quelques mètres carrés de mon Nono-ma-petite-maison-dans-la-prairie-océane.

Puis l’été s’échappe, avec un peu d’appréhension après avoir vécu en définitive un peu plus d’un an, dans un temps estival qui m’emporta de l’été breton vers les chaleurs des tropiques.

L’automne arrive et remet des couleurs nouvelles dont je m‘étais pris à rêver parfois dans mon quasi-permanent soleil de cette boucle atlantique.

Septembre a l’air de s’étirer de sa sieste post-estivale en tirant ses dernières cartouches d’ensoleillées sublimes. Le Golfe de la ‘’petite mer’’ (mor – bihan ) commence à préparer ses espaces de quiétude qui accueilleront à l’hiver les bernaches pour leur escale qu’on espère se répéter jusque à la fin des temps, afin de nous donner l’envie retourner encore et encore marcher dans le fond des anses apaisées, du côté se Noyalo, Saint Armel, ou d’autres encore, le froissement des pas bottés de caoutchouc sur les sables humides ou les algues glissantes des marées basses faisant comme un écho quasi-silencieux aux paisibles conciliabules de ces belles voyageuses.

J’ai pas mal de travaux de divers entretiens ou réparations sur Nomade qui a supporté tout le périple sans broncher, mais à part quelques faciles interventions je reporte tout ça non pas au calendes grecques mais tout simplement à plus tard.

Ce samedi 23 septembre, c’est un beau soleil et une jolie petite brise de Sud-Est qui m’invitent à partir pour peut-être une des dernières sorties de l’année avant de préparer Nomade à son hivernage.

J’aborde la passe de La Teignouse dans une jolie brise par le travers qui me pousse dans un allegro-ma-non-troppo à sept nœuds et demi, avec le courant plein-cul de la marée descendante, puis j’enchaîne la remontée vers l’île de Groix avec le vent cette fois-ci plein-cul, voiles en ciseaux.

Les quelques heures de ce petit bonheur me font arriver à Port-Tudy en fin d’après-midi, dans un soleil qui s’affale sur l’horizon en révélant une palette de ces sublimes contrastes que j’avais un peu oubliés.

Ces jours derniers j’ai ressorti le chevalet et les pinceaux dans un espace réaménagé à la maison, avec plein de questions sur ma motivation à ressortir ces blanches toiles … car, le savez-vous ? On évoque souvent l’angoisse de la page blanche à propos de l’écrit, l’angoisse de la toile blanche procède à l’identique, mais me voilà ici en cette belle lumière de fin de journée avec un début de réponse !

Après une nuit paisible dans mon cocon retrouvé, le jour apparaît dans la grisaille et le crachin, plus d’horizon, ce coton de brumes qui enveloppe les lointains me remémore soudain ces paysage d’Irlande que j’avais parcourus lors de mon ‘’tour de chauffe’’ en 2015. J’y trouve une émouvante beauté et comme une invitation.

Nomade a retrouvé vie dans cette petite escapade et j’ai l’impression de retrouver mes marques de voyageur maritime. L’eau du robinet du bord qui coule bien froide, trop froide, au petit matin, les plexiglas des hublots qui transpirent d’humidité, tous ces signes de grande banalité me signifient que les tropiques sont loin derrière moi, mais que tout le reste est là, mon espace restreint mais néanmoins empli de la chaleur de tous ces souvenirs, et ce sentiment d’habiter une espèce de ‘’chapelle de la liberté’’ à nouveau.

Petit déjeuner, remonter la rue bien raide jusqu’au bourg pour prendre du pain frais, redescendre au bateau en saluant au passage les voisins de ponton, rien que ça déjà, quand tu as des voisins de ponton avec qui tu as embrayé une discussion brève la veille, tu as déjà refait un pas vers ce monde des gens qui vivent la mer.

Sac à dos avec l’appareil photo, ciré, c’est parti. Le petit sentier est noyé de crachin et de brumes qui enveloppent la trait de côte, il mène dans un silence cotonneux vers le minuscule Port Lay où les barques paraissent endormies à marée basse au bout de leurs longues aussières qui remontent comme un épi vers la chaîne-mère sur la jetée de pierre.

Le vent est tombé, il reviendra demain par le Nord-Ouest, annoncé force 3 à 4, parfait pour redescendre vers la baie de Quiberon, alors comment faire autrement ?

Je vais rester ici une nuit de plus, évidemment !


Port-Lay





 Mouillage dans les brumes

 Le sentier côtier








Une petite toile commencée l'an dernier, enfin achevée au retour:
Marée basse au Logeo, avec les parcs à huîtres au fond