samedi 29 avril 2017

Mai enfin !


Cette fois j'y suis, enfin presque .
Départ prévu lundi avec l'arrivée du mois de mai.
J'avais pendant un temps envisagé d'attendre après le 7mai, suite à une histoire de "tour" dont on se pose la question sur l'issue.

Et puis mon "tour" à moi, il est atlantique  mais ... de là à devenir un "gars de la marine" ...
Mon bulletin ira bien dans l'urne, par procuration ...
Un petit SMS sur Iridium le 7 mai vers 18 heures T.U (20 heures métropole) me suffira bien pour savoir dans quelle sorte de pays je vais revenir.

Et c'est un autre bulletin auquel je m'intéresse désormais.
La prévision météo est plutôt bonne pour les premiers jours avec un vent d'Est d'une quinzaine de nœuds et une houle modérée, perspective de faire route Nord-Nord-Est au "bon plein", une allure généralement assez agréable.

Pour la suite, on verra l'évolution.


La carte de prévision de surface à 48 heures (lundi) de l'atlantique hémisphère nord.
j'ai rajouté en rouge la ligne directe vers les Açores, et encerclé en vert la zone anticyclonique (hautes pressions),répartie en deux sur la latitude 30 degrés nord. Idéalement on l'aime centrée sur les Açores pour bénéficier de vents sud-ouest.( les vents dans un anticyclone en hémisphère Nord tournent dans le sens des aiguilles d'une montre).
Plus haut dans l'hémisphère nord, fait pas bon y aller pour le moment, belle grosse dépression stationnaire (STNRY), et les indications STORM à l'Est de Terre Neuve et  DVLPG STORM  (developing storm = tempête en développement), un peu au dessus des Açores, mais une zone où je ne serai pas avant une bonne quinzaine de jours ...alors d'ici là ...on y va.




Une autre vision, ici par superposition du fichier GRIB ( données numériques des champs de vents et des pressions) sur la carte et la route dans le logiciel de navigation. Ici lundi 1/5 à 18heures
Ceci dit les fichiers GRIB sortent des (puissants ..) calculateurs des centres météo, mais ce sont des données issues des "modèles numériques" pas encore analysées par un prévisionniste ... donc à considérer comme une partie des indications de l'évolution, mais pas vraiment suffisantes, les cartes d'analyse comme celle plus haut sont indispensables.

Ceci dit, j'ai opté pour la solution du routage à terre. Le premier bulletin avant départ envoyé par Michel mon routeur météo:
01/05
Vent E 13-18noeuds
Averses grains possible
Houle NE 1.7mètre 8secondes
Pression 1016hpa 


02/05
Vent E 13-18noeuds
Houle ENE 2mètres 12secondes
Pression 1017hpa 


03/05
Vent E 13-17noeuds
Houle ENE 1.6mètre 10secondes
Pression 1019hpa

Une fois en route, je lui enverrai quotidiennement ma position et il m'enverra en retour un bulletin et un waypoint de routage.
ça me permet d'envisager cette route retour avec une certaine sérénité et de me focaliser sur la marche du bateau, en solitaire ça me semble une forme de "confort" bien intéressante pour attaquer les quelques 2200 milles nautiques qui me séparent des Açores.
Je pense que je continuerai dans la mesure du possible à charger des infos météo en même temps, ça me permettra de suivre en parrallèle et de comprendre la logique de routage par un pro à terre ... ça devrait être intéressant et formateur sans doute.

Difficile de prédire à l'avance la durée de cette traversée, de l'ordre de la vingtaine de jours à priori, on n'est plus sur l'autoroute des alizés au vent arrière, mais dans un système météo plus aléatoire.  
Ceux qui en ont plusieurs à leur actif disent souvent à propos de cette transat retour qu'elle n'est jamais pareille de l'une à l'autre.
Faudra-t-il monter très Nord jusqu'à frôler les Bermudes comme le font certains, avec un rallongement notable de la distance à parcourir, pour aller chercher des vents d'ouest ?
Certains envisagent d'y faire escale, pour ma part j'éviterai d'autant que s'y tient la Coupe de l'America en mai et juin ...
Pourrai-je coller à la route orthodromique, la plus courte ?



Vu comme ça, ça fait un bout !
La route orthodromique ... légèrement courbe ... car sur une projection à plat de la rotondité de la terre, le plus court chemin d'un point à un autre n'est pas la ligne droite.
à gauche de l'image, la position des Bermudes ... un bon détour tout de même. Une bonne option possible par contre quand on part par exemple des Iles Vierges


Côté lecture, grâce à un ami j'ai chargé la tablette liseuse de non moins de 1600 livres !
Une vraie bibliothèque qui ne tiendrait pas à bord de Nomade en livre classique. De quoi tenir.


côté alimentation un aperçu de la partie conserves,
de quoi tenir aussi ...

J'enverrai sans doute quelques petits messages sur le blog de temps en temps.

Dernières bises carribéennes à toutes et à tous.

mardi 25 avril 2017

Transe atlantique


Sur l'océan à perdre haleine
Un voilier aux cales remplies
Autant qu'un ventre de baleine
S'en va glissant dans ses replis


Les coups d'éponge des embruns
Effacent les mélancolies
Les vagues inondent le matin
D'où surgissent les parfums de vie


Les saisons se sont effacées
Devant ces implacables dieux
Neptune allonge sa foulée
Un chant d'Eole descend des cieux


Les ombres allongées du soir
S'épandent sur un pont mouillé
Un soleil roi me donne à voir
Un palais d'or qu'il va noyer


Le monde a déjà basculé
Révélant sa face vibrante
Millions d'étoiles scintillées
Galerie noire et lactescente


Nomade au milieu d'un désert
Où j'ai récolté tant de rêves
Dans ma coquille dromadaire
La nuit m'invite à une trêve


Puis tout se remet à l'endroit
Dans une pâleur sublimée
L'étrave danse au nouveau roi
Dans une mer recommencée


Un soleil roi me donne à voir
Un palais d'or qu'il va noyer



Les dernières news:
L'avitaillement a commencé, le lourd, les pack d'eau, les conserves, le gros sac d'un kilo de corn-flakes, pâtes, riz, boissons diverses, même un complément alimentaire protéiné en pharmacie, pour éviter cette fois-ci la cure d'amaigrissement, et parer à des possibles longues journées "au près" et donc "à la gîte" et où en solitaire il devient encore plus  difficile de cuisiner et de s'alimenter efficacement;
Me restera le frais à prendre au dernier moment.

Départ probable à l'échéance d'une semaine.
Un peu comme à Mindelo, il y a une ambiance de départ là aussi à Pointe à Pitre mais moins "rush", dans la mesure où les flottes se sont dispersées dans les Caraïbes , mais nul doute qu'il y aura du monde aux Açores.
Entre deux vagues commentaires sur le "premier tour" de dimanche pour lequel on évite de s'aventurer trop dans des discussions inutilement passionnées, on commence à parler dates, options et météo, avec notamment mes deux compères "quasi-solitaires" retrouvés, le Brestois sur son Selection (il a trouvé un équipier) et le Toulousain-méditerraneéen sur son X402 ( qui n'a pas encore d'équipier et qui hésite encore sur le solo).
L'alizé est bien Est pour le moment, pas mal pour le quitter et monter Nord-Est en latitude et aller chercher des vents plus Ouest pour se faire pousser vers les Açores, mais pour le moment c'est plutôt un anticyclone placé très Nord vers Terre Neuve qui se met en place et présage de vents Nord-Est, pas ceux qu'on aimerait forcément ... Mais n'anticipons pas trop vite, voyons l'évolution et laissons passer encore une semaine tranquillement.





mardi 18 avril 2017

Solitaire et solitude

Je repense parfois à ces nombreux messages reçus qui m'ont accompagné, réconforté, dont celui-ci reçu par SMS notamment lors du jour de mon départ de Mindelo au Cap Vert pour la grande traversée vers les Antilles.

''… Fais nous partager tes sentiments, tes appréhensions. On veut du vrai, du vécu, de l'authentique.''
Message parmi tant d'autres qui participèrent à mon émotion en voyant s'éloigner l'ile de Sao Vicente, quasiment la larme à l'oeil puis pendant un court instant la bonde avait lâché, libérant l´envie de pleurer pour certainement aucune raison rationnelle mais par l'intensité émotionnelle sans qu'elle soit teintée vraiment de bonheur ni de peur définissable, mais une émotion en tant que telle, quelques secondes tout au plus puis mes esprits combatifs étaient revenus rapidement à ma rescousse.
Et je ne peux le dissocier de cet autre message de la même personne qui m'avait écrit sur la carte de mots des amis lors du pot le jour de mon départ de Port Haliguen:

''Bonne route, n'oublie pas que la solitude est la porte du cosmos''.

Je crois ne pas avoir abusé des articles touristiques, des images de cocotiers, mais avoir tenté de mettre aussi une part de mes ''tripes''.
Pour autant mes sentiments, appréhensions, mon vécu, l'authentique transparaissent-ils dans mes récits ?
Et comment les faire passer sans tomber dans une espèce de pathos indécent ?
Car après tout je vis en pleine conscience une expérience assez extraordinaire, ne manquerait plus que je me plaigne …
J'ai découvert, au cours de ces sept mois de voyage au jour où j'écris ces lignes, qu'il y avait deux sortes de solitude.
Celle où je suis en mer et celle où je n'y suis pas.

En mer, je suis totalement voué à ma navigation, absorbé par ce monde à la fois étrange, hors du commun et fascinant, et sans chercher à me la jouer dans une espèce de ''syndrome Moitessier'', j'ai le sentiment de faire partie d'une unité homme-bateau, comme un tandem indissociable, dans lequel le bateau devient le seul réceptacle d'affectif possible, à tel point qu'il m'arrive de lui parler, de l'encourager, mon "petit Nono ...", sans être dupe du fait qu'au travers lui, c'est moi-même que j'encourage.
Le voilier devient en quelque sorte le miroir du navigateur solitaire ... une projection ...

Ce sentiment est sans doute propre au fait d'être navigateur solitaire, je n'ai pas ressenti cela transparaître dans les discussions avec les nombreux amis du voyage que j'ai rencontrés et qui étaient tous en équipage ou à deux à minima.
Et je dois ajouter qu'à part le vieil anglais rencontré à Madère et avec qui j'ai senti ce courant passer, je n'ai pas rencontré d'autre véritablement solitaire effectuant cette dimension de périple. Et puis ces solitaires là sont peut-être aussi des taiseux ? Sûrement ...

Cette espèce de ''porte du cosmos'' évoquée par cet ami lui-même ayant eu cette expérience de la grande navigation solitaire, je crois l'avoir perçue, elle me semble une bien belle métaphore capable d'y absorber tout un contenu d'indicible qui ne peut que se ressentir, sans qu'on puisse y mettre des mots, et en tout cas bien difficilement sur un blog ouvert à toute curiosité et relié à la toile par des liaisons dont on n'a aucune maîtrise ni même connaissance.

Ces jours-ci j'ai revu un navigateur que j'appellerai quasi-solitaire dans le sens où il réalise son voyage comme le mien, sans aucun de ses proches, mais par contre en prenant des équipiers au travers des petites annonces. Au travers de ses récits il me conforte presque dans mon choix dans la mesure où il a eu à plusieurs reprises des équipiers qui s'installaient ou plutôt s'étalaient comme chez eux, fumant, salissant, supposés expérimentés mais le laissant quasiment tout faire, sortant à terre aux escales en le laissant en plan, son sentiment de solitude en est alors presque renforcé sans qu'il ait pour autant la plénitude de la navigation solitaire. A tel point que pour la route du retour il hésite désormais en me disant " je me demande si je ne vais pas faire comme toi ...." Il a juste expérimenté une première navigation de nuit tout seul récemment et semble passablement dégoûté de ses expériences d'équipiers de passage.

Dans la situation en mer, seul avec son bateau, en définitive, il ne s'agit pas de solitude, on ''est solitaire'', et c'est tellement différent. C'est un état d'être, conscient, mesuré et voulu, qui devient un vécu d'une richesse étonnante, d'autant qu'il s'agit d'une situation qu'on a longuement préparée.

Mais il est difficile d'en faire apparaître les contours aux lecteurs d'un blog, on risque sans cesse de tomber dans des propos qui risqueront de ne pas être interprétés comme on le souhaiterait.
En tout cas, quand on est solitaire, on se sent, ou plus exactement je le sens comme tel, acteur de son vécu, moteur je dirais même, y compris avec les appréhensions, les inquiétudes, on peut dire les trouilles parfois car il y a matière à en avoir, mais c'est une dimension que l'on apprend à rationaliser.

En revanche, dans la dimension de ce voyage, j'ai aussi découvert une dimension de la solitude, qui n'a rien à voir avec le ''solitaire'' évoqué plus haut. La solitude des moments hors navigation, aux escales, parfois longues.
Je m'en suis rendu compte avec plus d'acuité encore lors de mon arrivée aux BVI, les Iles Vierges Britanniques. Je n'avais aucune envie de rester, envie de repartir dans l'autre sens, ne pas rester au milieu de cet endroit peuplé de tas de bateaux, d'équipages joyeux, de touristes, et de ce mélange de superbes paysages et d'étalage de luxe juxtaposé à la vie modeste des locaux à certains endroits, (comme à Antigua également encore plus crûment..)

Je suis reparti très vite, sans vraiment avoir pris le temps de vraiment ''visiter'' … Je n'ai pas pu résister, ça me dépassait complètement.

Les deux cents et quelques milles au près serré dans la forte brise en trois étapes pour redescendre jusqu'en Guadeloupe, bien que fondamentalement pas une navigation facile ni de celles qu'on appelerait agréables, m'ont fait beaucoup de bien.

Suite à cela j'ai comme pris conscience qu'il fallait aussi que j'apprenne à me sentir bien en étant seul, loin les miens, mais aussi à terre.
J'ai pris cette décision de calmer le jeu en navigation dans ce dernier mois précédent la route du retour, de juste rester dans les alentours de la Guadeloupe en attendant le départ retour, et réapprendre à laisser couler le temps moi-même, sans être en mer en navigation. Faire du sport ( ça me fait un bien fou), lire (j'ai avalé des livres comme jamais), et ne rien faire en essayant de m'y sentir bien, ce à quoi je tente de parvenir sans que ça soit toujours facile.
Et c'est une (re) découverte d'un état d'être qui n'a pas du tout le même poids, la solitude est vite pesante, elle est en décalage avec la façon dont j'ai construit ma vie, elle met à jour – j'allais dire à nu – le manque des proches, de ceux que j'aime et dont je m'aperçois de l'intensité du besoin que j'ai de leur proximité.

Elle met à jour comme une dualité de ma personne, comme deux vies parallèles, qui ne se rejoindraient donc qu'à l'infini puisque tel nous avait été appris du destin de deux droites parallèles depuis les bancs de l'école.

En définitive, au-delà de la formidable expérience qu'aura constitué ce voyage – qui n'est pas encore fini à l'heure où je finis d'écrire ces lignes -  il m'aura appris à faire cette distinction entre la vie de marin solitaire que j'ai rêvée et qui me comble et la solitude dont j'essaie de faire une alliée aussi mais avec bien plus de difficultés.

Récemment des amis de bateau, un couple avec lequel j'ai sympathisé depuis La Corogne, ( oh, ils se reconnaîtront s'ils me lisent...) m'a rejoint aux Saintes. Trois mois qu'on ne s'était pas revus, ils étaient partis vers le Sud, moi vers le Nord. Le soir de leur arrivée au mouillage, on a passé une soirée sympathique à leur bord, puis je ne sais pas pourquoi mais dès le lendemain matin je suis reparti, ayant juste eu le temps de se saluer de la main de bateau à bateau. J'ai cru ressentir leur regard un peu déçu … trop tard, j'étais décroché.
Pourquoi être reparti si vite ? J'aurais pu ( dû?) rester un peu avec eux qui en auraient été ravis … je ne sais pas, j'avais besoin de prolonger ma réflexion tout seul, et c'est comme si les voir en couple et moi seul me gênait en quelque sorte, je me sentais à part … Je m'en suis voulu un peu et leur ai écrit un mail pour m'excuser, leur dire que j'étais là déjà depuis plus d'une semaine donc besoin de bouger …

Finalement, naviguer en solitaire aurait quelque chose qui s'apparente à l'exercice de la bicyclette dans ce sens où il n'y a d'équilibre que dans le mouvement, sitôt que la bicyclette s'arrête, on doit poser pied à terre afin de ne pas tomber, et cela nous confère alors cette allure un peu maladroite de n'être ni vraiment cycliste ni vraiment piéton, ou plutôt ni marin ni terrien, dans une espèce de désagréable entre-deux exacerbé par la solitude.

Pour l'heure, ce serait presque le temps qui me sépare du jour du départ pour la transat retour qui me ''fait peur'' plus que la transat retour elle-même.
Je crois que j'y vois un peu plus clair désormais, et j'apprends à me méfier … de moi-même.
J'apprends à faire la part des choses entre l'état d'être et les états d'âme...réagir et ne pas laisser s'installer une étrange mélancolie, trouver aussi une sorte de chemin vers un état d'être bien tout simplement et en conscience, face à soi-même, un voyage à l'intérieur du voyage ....?

Bientôt route vers les Açores, j'ai hâte de ce départ qui sera sans doute un autre temps fort du voyage, mais sans être pressé qu'il se termine, ni m'impatienter pour le départ car il convient de ne pas partir trop tôt, attendre que la météo se stabilise, que les dépressions hivernales ou de début de printemps en Atlantique Nord se calment.

E j'ai cette envie qui monte de virer la Teignouse sans doute vers mi-juillet ... (pour ceux qui ne connaissent pas, c'est le point final du voyage, le phare qui marque l'entrée dans la Baie de Quiberon, qui rime avec maison...) voilà l'essentiel de mon rêve de solitaire du moment.


Pourquoi avoir écrit cela ? Manière de partager ceci avec - entre autres - ceux que le rêve du grand départ en solitaire appelle, ou également d'autres solitaires ou l'ayant été ... Cette dimension là du solitaire, la solitude, est un élément important qui peut s'avérer peut-être la partie la plus difficile car il n'y a pas d'accessoire, pas de magasin shipchandler, pas de cartographie ni de GPS ni guide de la solitude, rien d'autre que soi-même qui puisse aider à s'y préparer.

Et c'est une sacrée leçon !

Quiétude d'un petit bassin d'eau douce dans le cours d'une rivière dans la forêt tropicale dans les environs de Deshaies 




samedi 15 avril 2017

La Petite Terre

Rassurez vous je ne me lance pas dans une métaphore globale comme il s'en fait de nos jours sur le thème de notre planète qui serait toute petite et que certains nomment parfois même le ''village planétaire''.

Et puis je peux vous assurer que vu d'une coquille de noix de neuf mètres virgule quarante de long au milieu de l'Atlantique, j'invite alors ceux qui évoquent ce ''village planétaire'' à sortir leur yeux de leurs écrans informatiques et le nez des gazettes branchées, à descendre des passerelles d'Airbus (ou Boeing, je ne suis pas chauvin)  et à faire le tour du ''village'' sur une coquille de noix, même de quinze ou vingt mètres s'ils veulent, je ne serai pas jaloux, mais à la voile, et alors je recueillerai volontiers leur impressions une fois qu'ils l'auront vraiment parcouru, le ''village planétaire''.

Mais non, elle n'est pas petite, notre terre...!
Je vous jure qu'elle est encore immense.

En revanche, ''La Petite Terre'', ainsi nommée, est vraiment une petite terre, mais j'ajouterais une ''bien jolie Petite Terre''.

Pendant cette semaine passée à la ''marinette'' (voir deux articles en arrière) de St François, oubliée la ''touchette'' sur le haut fond du bord du chenal, j'ai tenu assez bien ma décision annoncée. Levé vers 6 heures du matin avec juste une exception le dimanche dont je me suis dit que je n'avais pas à en avoir grande honte, parfois même plus tôt, avalé un bon bol de corn flakes-lait, un footing notamment à courir jusque sur la longue jetée du port de pêche, pompes et étirements au bout du môle sous le feu rouge tribord ( eh oui, pour ceux qui retenaient péniblement les astuces mnémotechniques comme ''bas si rouge et tricot vert'', ici côté continent américain, tout est inversé, la rouge à tribord et la verte à bâbord...) suivi d'une séance de natation sur la plage vers l'entrée du port, puis passage par la douche du port, je cours avec tout ce qu'il faut dans le sac à dos … et retour au bateau vers 7 heures … la journée commence et je me sens bien comme jamais, à un point tel que j'en ai oublié de boire quelque café que ce soit pendant quasiment une semaine.
Je vous passe les autres détails, j'ai encore avalé plusieurs bouquins, petits tours au marché de la rotonde où les doudous t'interpellent depuis leur étals de fruits, légumes, punchs et rhums arrangés, même pour ne rien acheter, juste baguenauder, voir des gens, sentir la vie …un vrai besoin ...

Je repars un beau matin, sans mon footing-natation, mais à la même heure, et j'ai à passer mon scrongneugneu de chenal sans toucher cette fois-ci.
Remarquez, des fois je me dis ''mais tu les cherches?'' car si en entrant le soir j'avais le soleil dans le pif, eh ben en repartant dans ce chenal orienté est-ouest, devinez ? Le matin au lever du jour j'ai encore le soleil dans le pif !!
Mais bon, bien préparé, carte étudiée, vu et revu les bateaux entrant et sortant, pigé … c'est passé tout seul … avec un ''ouf'' de soulagement en passant les dernières bouées de chenal.
Parti à la fraîche car je voulais absolument arriver tôt à Petite Terre, à une dizaine de milles de là ...dans le sud-est avec un vent de sud-est … tiens, le vent lui aussi est dans le pif !

J'aperçois soudain à l'arrière de Nomade comme une grosse corolle noire qui surgit et disparaît dans l'eau en quelques secondes, trop court et trop loin pour faire une photo, la queue d'une baleine qui repart en plongée, parait qu'il y en a pas mal en ce moment, dixit Michelet l'ami saintois l'autre jour, ce serait un peu la ''saison''.

Après environ trois heures à tirer des bords contre le vent, j'arrive, avant les vedettes rapides de promenades, j'entre doouuucement dans la passe qui mène au lagon, teuf-teuf-teuf, oeil sur la carte, oeil sur la couleur du fond, oeil sur le sondeur, oeil sur les côtés où ça déferle sur les hauts fonds, j'ai des yeux partout, je dois pas être beau à voir, le genre solitaire monstrueux mutant... Re-ouf !
J'accroche vite fait un corps mort disponible sinon moins d'une heure après c'était cuit, yen avait plus, et mouillage sur ancre interdit, réserve naturelle.

Eh ben il avait raison, le barman saintois qui habite à bord de son arpège, Petite Terre, c'est BEAU !
La carte postale eau turquoise, sable blanc, cocotier, pas d'habitations.
Heureusement, petit temps d'alizé modéré sud-est et houle itou, sinon placé là où c'est, alizé soutenu avec forte houle un peu nord … tu oublies , tu ne rentres même pas dans le lagon …des fonds dans la passe qui remontent jusqu'à 2m50 par mer calme … mer forte s'abstenir.

Eau turquoise, derrière Nomade, Terre de Haut et sa végétation courte et dense, interdit d'y aller même poser le pied sur son sol en sortant de l'eau, réserve naturelle.

Terre de Bas, cocotiers, sable blanc, baignade, pique-nique, le petit coin de paradis à moins d'une heure de traversée en vedette à moteur de St François qui en fait son activité touristique.


Dans la baignade palme-masque-tuba ( qu'on nomme désormais snorkelling, pauvre langue française...) j'ai cru apercevoir une tortue, mais il y en a c'est sûr à en croire ces touristes de vedettes dont l'un le papa criait à sa fille ''viens, viens vite, ton frère a nagé avec les tortues !!''
Moi j'ai nagé avec une raie, c'est joli une raie, gracieuse, ses élégantes ondulations de sa grande robe plate, sa silhouette de vaisseau spatial dont on attendrait quelque martien sortir de quelque part, son regard, par contre, avait l'air de dire ''t'y frottes pas, s'te plaît'', ( et il me semble qu'elle a un venin au niveau de la queue , quelque chose comme ça cette variété de raie…) escortée de deux de ces poissons dont je ne sais plus si c'est eux qu'on nomme poissons coffre, qui la suivaient partout, comme deux notaires intéressés plutôt que comme deux servantes.
Je n'ai pas pu filmer, caméra pas assez chargée, ça a cafouillé, quand je pensais filmer ça ne filmait pas et inversement, et je n'y voyais rien sur les voyants avec ce foutu masque ( snorkelling ?)... désolé.

A terre, sur Terre de Bas, car Terre de Haut est interdite à l'humain, c'est la partie terrestre de réserve, ballade sur le petit sentier qui mène jusqu'au phare, qui a cessé d'être habité vers les années 1970...



Le phare, le tout premier de Guadeloupe vers 1840 et un des premiers du Nouveau Monde.


Des iguanes, un peu partout, pas bien farouches, genre 
''dis donc, mec, on est chez nous !""

même en travers du chemin, à taper la discute, et qui croyez vous qui fit un détour ?
"dis donc mec, on est chez nous !''


Et là-bas, tout là-bas, loin loin derrière ces déferlantes sur la barrière de corail, direction nord-est, à 3400 milles nautiques de là via les Açores, 6300 kilomètres ....Bretagne, maison .... bientôt !!

Alors voilà, je rentre me poser à Pointe à Pitre, en gardant peut-être cet endroit comme une de mes dernières images de cocotiers-sable-blanc-eau turquoise, une belle image.
Désormais, j'ai à me préparer à tous les niveaux pour retraverser ... un océan ... dans l'autre sens ... d'ici une quinzaine de jours grosso modo ...
 

lundi 10 avril 2017

Quel traînard ce Jordan !

(Thème: technique et sécurité dans le gros temps)

Lorsque j'étais à Antigua, j'ai fait une trouvaille que je n'avais pas évoquée jusqu'ici, près d'une poubelle, un traînard de Jordan...! Je n'en croyais pas mes yeux.

N'allez pas croire que j'ai récupéré et accueilli à bord quelque ''routard'' anglais ou amerloque du genre toujours en retard et qui se prénommerait Jordan. 

A quoi ça sert ?

Don Jordan est ( était ? En tout cas il doit être très vieux aujourd'hui semble-t-il) un ingénieur en aéronautique américain, qui, s'appuyant sur ses connaissances et son habitude de gérer des contraintes de calcul qui demandent une extrême rigueur en aéronautique bien plus encore que dans le naval, a eu l'idée et a développé cet instrument, nommé en anglais ''Jordan's drogue''.


Voilà la chose ... en vrac


L'objectif du départ souvent débattu dans les milieux voileux, dans les forums, dans les formations sécurité, repose sur la ou les techniques consistant à sécuriser le bateau dans du très gros temps, par exemple laisser traîner le plus de choses possibles derrière le bateau, comme des longs cordages en boucle, voire une ancre flottante qui est un cône de toile ouvert à sa petite extrémité, une sorte de parachute, pour ralentir le bateau en cas de très grosse mer avec des vagues déferlantes.



Des études faites en bassins de carène ont montré que lorsque qu'un voilier est soumis à une vague déferlante qui mesure en hauteur plus de trois fois la longueur du bateau, il a de fortes probabilités de ne pas résister à un chavirage.

Pour Nomade, ça me ferait quelque chose comme 3 mètres … au-delà je suis en zone de risque. C'est assez peu finalement. Surtout si on regarde une prévision météo, la hauteur de vagues donnée est ce qu'on appelle H 1/3 qui signifie la moyenne arithmétique de la hauteur d'un tiers des vagues les plus hautes, mais si on prend la hauteur vue et vécue plutôt par un observateur sur place elle augmente et on considère alors H1/10 qui donne 1,27 fois H 1/3 . Pour la hauteur des plus grosses vagues réelles il faut prévoir un ratio H100 , soit une vague sur 100 observées, avec une hauteur de 1,52 x H1/3, donc 4,5m maximum réel sur une prévision à 3m.

Tout ça est un modèle mathématique de référence et il y a bien sûr des variantes liées aussi à l'architecture du bateau, quillard, dériveur, quille longue ou courte, entre autres, mais c'est une donnée intéressante qui permet de se situer soi-même dans ce modèle…

Si ce ne sont pas des vagues déferlantes, on peut aller heureusement bien au-delà, j'ai eu des vagues de 5m de haut avec des pointes de vent de plus de 45 noeuds dans les grains dans la transat aller, sans aucun souci dans cet aspect là du risque avec Nomade qui passait bien (c'est moi qui étais crevé, pas lui ...).

Mais dans une prévision météo avec vagues de 3m, qui est une valeur relativement modeste en plein océan je pourrais donc avoir des vagues réelles de 4,5m, donc danger réel si le vent forcit, que la mer est croisée par exemple et que ça se met à déferler…car ce qui caractérise la déferlante est la masse d'eau en crête qui se déplace à la vitesse de la vague et qui retombe sur … le bateau … des tonnes d'eau avec une force qu'on n'imagine pas …

Bien sûr les conditions de chavirage sont dépendantes d'autres facteurs, notamment sur la manière dont on conduit le bateau pendant ces conditions, je ne développe pas ici.



Le risque majeur dans de telles conditions est que dans la mesure où on met le bateau ''en fuite'', vent et vagues par l'arrière, à sec de toile ou juste avec un tourmentin cette toute petite voile de tempête à l'avant ( car on ne peut guère plus faire autrement, et si on le laisse aller travers à la vague, on chavire aussi et à coup sûr !) le phénomène de déferlante va avoir tendance à faire en sorte que:

  • l'avant du bateau plonge dans le creux de la vague passée
  • et enfourne dans la masse d'eau et freine
  • pendant que l'arrière est poussé vers le haut et accéléré par la déferlante suivante

Le résultat peut être que le bateau ''sancit'' c'est à dire se retourne ''cul par dessus tête''.... pirouette ... cacahuète ... l'avenir du voilier et de son skipper s'assombrissent méchamment d'un seul coup !



J'avais déjà à bord une ancre flottante. Mais elle peut s'avérer insuffisante, car elle risque de fonctionner par à coups de tension et détente au gré des vagues puissantes et dans ce cas elle n'est passez garante d'empêcher un chavirage.



Comment ça marche ?

Le trainard de Jordan est constitué d'un long cordage, 50 mètres dans le cas de celui que j'ai trouvé … près d'une poubelle! … et le long duquel sont répartis des petits cônes de toile espacés de 65 cm, il y en a 75.



  







L'effet produit est que la traction de freinage est répartie tout au long du cordage, donnant un amorti se répartissant sur les différent trains de vagues, et cela évite à l'arrière du bateau d'être propulsé (et soulevé) par la déferlante, il se stabilise mieux cul à la vague et 'bouchonne'' en surface.
Un effet souvent décrit dans les témoignages est que dans ce cas, énormément d'eau arrive dans le cockpit et qu'il convient d'être calfeutré à l'intérieur, d'une part, et d'avoir un panneau de descente en cabine bien solide ... j'ai renforcé les miens il y a quelque temps.

A la lecture de ceux qui ont utilisé ce système, le bateau est vraiment bien amorti et certains ont passé de grosses tempêtes dans un niveau de sécurité très amélioré.

On trouve pas mal de littérature sur internet à se sujet, y compris des témoignages vraiment édifiants, comme par exemple dans cet article de Yachtingworld (http://www.yachtingworld.com/features/a-jordan-series-drogue-63180) en anglais, mais à lire pour ceux quui lisent l'anglais et que le sujet intéresse.

On trouve également un rapport d'études très complet des Coast Guards américains sur les trainards et ancres flottantes, sur internet en ligne, il démontre l'utilité du Jordan's Drogue ( chercher ''droguecoastguardreport'', c'est en anglais, mais c'est très très technique, très pointu, il y a même des annexes de code programme pour les simulations mathématiques dans les annexes).

Ils ont fait l'étude par modélisation puis en échelle réelle, ils l'ont aussi modélisé dans les conditions de tempête de la fameuse course du Fastnet en 1979 qui fit de nombreuses victimes.

Leur rapport dit à un moment ceci:

''With a drogue deployed, a well-designed and properly constructed fiberglass boat should be capable of riding through a Fastnet type storm with no structural damage...''

( Avec un traînard déployé, un bateau en fibre de polyester bien conçu et correctement construit devrait être capable d'évoluer dans une tempête de type Fastnet sans dommage structurel)  Et j'ai l'audace de penser que Nomade est ''well-designed and properly constructed'' ...alors!



Ce système plutôt prisé dans le monde de la navigation anglo-américain a sauvé des vies.

Jordan n'a jamais voulu breveter son invention, c'est tout à son honneur et c'est - paradoxalement – très américain de laisser gratuit et libre de droits des créations ''utiles'' ( on trouve par exemple des guides de navigations gratuits sur internet, très bien faits, sur les zones des Caraïbes, sur freecruisingguides.com, et aussi la NOAA américaine met à disposition en téléchargement gratuit toutes les cartes marines numériques de côtes US là où notre SHOM national, nationalisé car dépendant de la marine nationale et donc payé par nos impôts ne laisse absolument rien de gratuit aux cochons de contribuables que nous sommes en matière de cartographie marine, il faut tout payer, et parfois bien cher, donc deux fois, par l'impôt et par le prix d'achat ( plus la TVA … trois fois ?) – voilà c'est dit – allez comprendre la logique par rapport à un pays réputé ultra-libéral mais où la culture du gratuit sur certains domaines est bien plus forte que chez nous les champions du mélange des genres… !!!) et donc Jordan l'a laissée libre de tout droit et il est par conséquent impossible de trouver à en acheter, ( en France aucune source) par contre on trouve des sites internet à propos de sa fabrication.

Toujours est-il que je fus vraiment très étonné de trouver ce traînard de Jordan auprès d'une poubelle, en pensant sur le moment ''les gens jettent vraiment n'importe quoi'' … puis dans l'enthousiasme de la trouvaille de ce système dont j'avais déjà beaucoup lu auparavant et que j'avais laissé de côté, trop compliqué à en trouver ou fabriquer un, j'ai aussi pensé quelque chose comme ''...on dirait un cadeau du ciel...'' car ça paraît incroyable de trouver un truc pareil dans une poubelle, ou plutôt posé à côté … un truc de nature à te sauver la vie, rien de moins !!

Je me suis empressé de le récupérer à bord (j'essayais de le faire discrètement car je pensais que c'était pas possible, une erreur, enfin pas normal, quoi …) et de l'ausculter.

Le lendemain matin les poubelles et ce qui traînait à côté avaient été vidées … C'eût été trop tard !

Il est en bon état avec son gros cordage épissuré et un gros émerillon d'attache sur l'arrière du bateau pour que l'ensemble puisse pivoter sans faire de noeuds, et à part quelques cônes (parmi les 75 ) dont la toile est un peu effilochée au bord, il est ''en état de service'', j'ai juste à y ajouter un petit bout de chaîne d'un mètre à l'extrémité pour que le cordage soit maintenu immergé en traction.
Il est désormais précieusement lové et rangé dans un sac, en espérant n'avoir jamais à m'en servir, mais savoir que je l'ai, déjà, c'est un gros plus pour l'équipement de sécurité de Nomade... et pour ma tranquillité d'esprit.

Et avec un routeur pro à terre en liaison qui plus est … je joue solitaire aussi sur la route retour réputée plus dure à priori, et plus susceptible de pièges météo, certes, mais je joue sécu autant que faire se peut …
En avril, prépares toi tranquille
En mai, fonces s'il te plaît !


vendredi 7 avril 2017

St-François, chenal et marinette

Ou en sous titre : rejoindre la "Marinette",  d'accord, mais attention à ne pas toucher .


Lundi 3 avril, les Wallis arrivent aux Saintes.
Nous ne nous étions plus revus depuis début janvier à la Martinique, eux partant vers le Sud et moi  le Nord.
Un dîner à bord de Wallis étant toujours susceptible de bonne surprise, c'est autour d'un couscous que je peux qualifier de Royal et cuisiné avec l'habituel talent de Christiane que la soirée s'est déroulée.

Mardi 4, je repars au matin direction St François, sous la pointe Est de Grande-Terre en Guadeloupe.
Une trentaine de milles dans un cap Nord-Est avec un vent d'Est autour de quinze noeuds et une mer agitée mais sans plus par rapport à ce qu'on peut avoir dans cette zone de "canal''. Quelques bords à tirer tout de même, puis j'arrive en approche en fin d'après-midi.

Le chenal:
J'avais bien lu les instructions et regardé la carte, le chenal d'entrée à St François est une passe assez étroite entre des massifs de corail. "Pratique de nuit absolument à proscrire pour les non initiés" dit le guide nautique. 

IPAD sorti dans le cockpit, carte zoomée sur l'écran, voiles affalées une fois tournée la bouée sud d'approche, je m'engage dans le chenal, direction est-ouest, il est presque 17 heures, j'ai le soleil en pleine figure qui m'éblouit un peu, je passe le début de l'étroiture aux  bouées PC3-PC4 (voir photo carto ci-dessous), tout va bien, j'y vais mollo, 2,5 noeuds guère plus. Et je pointe ensuite vers PC5-PC6, le vent est plus nord ici donc je l'ai latéralement, il me pousse vers babord, et sur le côté tribord il y a des bateaux au mouillage quasiment sur le bord du passage, et là tout d'un coup Nomade stoppe avec comme une sorte de petite révérence de son étrave ... je suis planté. Heureusement dans du sable , pas dans du corail . Moteur rien à faire, je renvoie du génois bordé à plat pour faire gîter, rien à faire non plus. Je suis bien planté et j'aimerais en sortir sans trop tarder car le vent passé nord aurait tendance à me pousser vers le massif de corail ...et la nuit tombera vite.


En rouge ma trace, et la flèche noire qui pointe sur l'endroit où j'ai touché, en vert la barrière de corail

 
C'est un gros hors bord ( 2 moteurs de 250 chevaux à son arrière, courant ici ...) passant dans le chenal qui me tire d'affaire, merci à lui.
Moralité, il faut vraiment faire très très attention, si on tire un trait entre l'axe PC3-PC4 et PC5-PC6, ma trace n'en est pourtant guère déviée. La proximité des bateaux au mouillage côté tribord, avec le vent plus nord qui les ramenait tout près de l'axe de la passe m'a aussi trompé, ajouté au soleil en pleine poire en arrivant en fin de journée... 


 Tout près des bouées de chenal, ça déferle sur la barrière de corail

La "marinette"
Arrivé dans la petite marina, avec le temps perdu à mon échouement, bureau fermé, je passe la première nuit au quai d'accueil, après avoir plongé sous le bateau pour vérifier qu'il n'y a pas de dégât ( quille, safran de gouvernail);
Et le matin, je fais mon entrée et on me place;
Personnel très accueillant, vraiment sympa. Cette marina est gérée par la municipalité, on paye par chèque au Tresor Public, et c'est la moins chère de toute la zone que j'ai parcourue.
(ça fait une vraie différence, vive les services publics ?)

''Dans les critère d'excellence, il nous manque un WIFI ( mais il y en a sur la zone depuis les bars) et nous n'avons pas de zone technique" me dit l'homme à la capitainerie. Un peu après en allant régler, c'est un prénommé Dominique, un homme dans la cinquantaine sympathique et jovial, qui me décrit un peu les environs et termine souriant par ''ici, c'est une petite ville, vous aurez vite fait le tour, et c'est une petite marina.'' 
 ''... en fait on est une marinette ...!" finit-il en riant .

Alors dans ma ''marinette'' j'ai déjà pris une semaine, et on va se calmer, hein ? Le temps des navigations éloignées va laisser place à préparation, c'est pas le moment de risquer d'abimer bêtement le bateau si près de l'échéance.
Et puis, bonnes résolutions auxquelles je pense depuis quelque temps,  à un mois du grand départ dans l'autre sens, il faut que je me prépare moi aussi, question (re)mise en forme, sinon il y aurait comme une espèce d'apathie qui m'alourdit sous ce climat chaud depuis plusieurs mois, ( et depuis 7 mois d'été ininterrompu, l'été le plus long et chaud de ma vie en somme)

J'avais un peu entamé la démarche aux Saintes sans trop de conviction encore, mais là c'est décidé et j'ai commencé, lever tôt pour profiter de la fraîcheur matinale, footing, suivi de baignade avec une bonne séance de nage,... et je vais essayer de m'y tenir !

La petite plage vers l'entrée du port, où je termine mon footing par quelques largeurs à la nage le matin






lundi 3 avril 2017

Semaine Saintes

Une semaine déjà que je me suis posé aux Saintes.
Une vraie relâche. Cultiver l'art de ne rien faire de précis ni prévu, laisser couler le temps qui devient presque aussi immobile que le bateau. Tout comme Nomade, le temps se dandine mollement au bout de son amarre, accroché à son corps mort. Le corps mort du temps ?
Temps qui passe, temps qu'il fera, temps pour faire ceci ou cela, temps pour aller d'un point de départ à un point d'arrivée, tous deux pointés sur une carte marine.

Il me semble que ce voyage m'aura appris – ou confirmé - au moins une chose que j'avais déjà perçue à plusieurs reprises auparavant, c'est que le temps est bien une notion relative, un peu comme une élastique, tout dépend comment on lui tire dessus. ( … et des fois il vaut mieux éviter de trop lui tirer dessus sinon l'élastique te pète à la figure ...)
Du côté du temps-météo, un coup d'oeil sur les prévisions me laisse à penser que l'on peut oublier un peu pour les jours à venir cette question qui reste sinon une des préoccupations majeures, qui détermine toute la faisabilité de ce que l'on prévoit ordinairement lorsque l'on navigue. Rien que ça, cette possibilité d'oublier un peu ça quelques jours, c'est déjà une forme de confort véritable. Presque un confort terrien, finalement.

Un petit plouf dans l'eau le matin au lever, suivi d'une brève douche encore tiède de mon sac à douche qui a chauffé au soleil, balade vers la jolie plage de Pompierre et ses cocotiers, avec re-baignade ou pas selon l'envie du moment, y rester à baguenauder simplement un moment peut suffire, ou celle du Figuier bien jolie aussi. 

  Plage du Figuier, au loin derrière, La Dominique ... peut-être un petit tour là-bas bientôt ?

Revenir dans le bourg sans but précis, prendre un café avec Michelet (le pote Saintois à Bruno et Annick, maçon-pêcheur-homme à un peu tout faire) croisé à une terrasse un matin de son jour de repos, ou bien une bière ''chez les filles'', ce petit bar-terrasse-sur-l'eau au centre-bourg où bosse un jeune gars qui vit à bord de son Arpège, mouillé près de Nomade, là j'ai de l'internet à volonté. 

Me baigner à nouveau depuis le bateau, faire une tarte aux pommes avant que mes dernières pommes ne dépérissent … bouquiner, bouquiner…
Je crois bien que j'ai quasiment tout lu de ce que vous m'aviez apporté lors de celle belle et inoubliable journée de mon départ de Port Haliguen le 13 août 2016, puis j'ai aussi glané ( et donc échangé parfois) ça et là de ces livres qu'on trouve dans les espaces d'échanges libres de bouquins qu'on trouve souvent dans les capitaineries ports, telle cette fluide et agréable lecture de Cap'Tain Vagabond de Vincent Goudis qui a parcouru – entre autres - les mers de Chine pendant dix ans de 1987 à 1997 à bord d'Amulet' son vieux gréement, son ''temple de bois''.
Voyages dans le voyage …
Pour jouer le jeu de l'échange gratuit, certains de vos livres embarqués sur Nomade continueront donc le voyage à bord d'autres bateaux, vers d'autres destinations, seront écornés par d'autres mains salées, parfois arrosés d'embruns quand ils seront laissés le temps d'une manœuvre sur le banc de cockpit par mer agitée… beau destin pour des bouquins, non?
Et c'est l'esprit encore envahi de l'univers étrange et envoûtant de Murakami (Kafta sur le rivage) que je suis retourné une fin de journée marcher un peu puis refaire quelques courses avant que le jour s'achève.

Je repars quand ?
Je ne sais pas trop encore, ni vraiment où précisément, dans les jours à venir.
Vers La Dominique? Ou vers St François, sur Grande-Terre, en Guadeloupe pour préparer un autre départ pas trop ambitieux sur ce dernier mois avant le grand saut dans l'autre sens?
Le barman-arpégiste m'a parlé de deux petites îles inhabitées, les Iles de la Petite Terre. Avec Terre de Bas et Terre de Haut, pas très loin de la Pointe des Chateaux, tout à l'est de Grande-Terre(Guadeloupe) et entre Marie-Galante et La Désirade. Les instructions n'en disent pas vraiment grand-chose de fameux, mais lui me dit qu'il aime aller passer là-bas plusieurs jours au mouillage, au milieu de quasiment rien une fois les vedettes à moteur parties le soir, ou plutôt si, au milieu des tortues entre autres, c'est une réserve marine. Mais il faut une bonne météo avec peu de houle et pas trop nord-est pour envisager de mouiller en sécurité là-bas, c'est tentant mais pas gagné.

Finalement je ne sais pas, ce ne sera pas vraiment une ''décision'', ce sera plutôt ''au feeling'' du moment.
Et puis il y a aussi les bateaux amis qu'on retrouve de temps en temps, avec tout le plaisir des retrouvailles et d'une bonne soirée … barbecue à bord de Genesis mouillé à l'Ilet aux Cabris l'autre jour, apéro ++ à bord de Maracudja, Wallis qui ne va pas tarder à arriver ici ...

Ô temps coule
Autant cool