jeudi 2 juillet 2015

Objets inanimés ...

Objets inanimés avez vous donc une âme ? Demandait le poète Lamartine.
Rapportée à certains objets usuels, on peut se poser franchement la question.Et parfois c'est une âme espiègle qui les anime.

Prenez l'un des objets les plus usuels pour un marin, un cordage, mais ne le nommez jamais au grand jamais corde, il pourrait vous en coûter une rebiffade de sa part.

"Drisse", pour monter une voile en tête de mât, "écoute" pour border, tendre cette voile dans le vent et lui donner sa puissance, "aussière" pour amarrer le bateau à quai et dont on dédie à certaines le rôle de "pointe" ou de "garde", "câblot" pour un cordage de grosse section dans le but de prolonger la chaîne d'ancrage si le vent vient à souffler plus fort, "garcette" pour ces brins de petite section qu'on garde à portée de main et servant un peu à tout faire, bloquer, lier, rabanter ....

Si sa fonction n'est pas clairement définie, on le nommera volontiers "bout" , prononcez bien " boute" , c'est impératif !

La particularité de tous ces cordages est que si on les laisse négligeamment vivre leur vie sans les lover avec soin, c'est à dire les enrouler avec cet élégant  geste du marin de balancement  des bras pour en faire une belle boucle régulière leur esprit espiègle nous joue des tours quasiment systématiquement.

Objets inanimés ? Tu parles! Finissez une manoeuvre quelle qu'elle soit sans en prendre soin, vous obtenez à coup sûr un paquet de noeuds dont on se demande parfois par quel savant théorème une telle complexité a pu se produire. Ou alors quelque chose qui doit avoir des liens avec la théorie du chaos.

Diversion sur la théorie du chaos (merci Wiki...)

La théorie du chaos traite des systèmes dynamiques rigoureusement déterministes, mais qui présentent un phénomène fondamental d'instabilité appelé « sensibilité aux conditions initiales » qui, modulo une propriété supplémentaire de récurrence, les rend non prédictibles en pratique à « long » terme.

Non prédictibles ....? Pile poil !



Le cordage a l'âme contrariante, je le soupçonne même d'être un peu farceur.

Sitôt que vous l'avez abandonné sans le soin qu'il réclame, il réussit le prodige de faire des emberlificotages parfois quasi inextricables, punition qu'il vous inflige et vous oblige à passer du temps auprès de lui pour en refaire un beau lovage bien régulier en le reprenant de bout en bout.

Parfois même il s'amusera à vous faire des croche-pieds, ou bien il enverra une génération spontanée de noeuds se bloquer dans une poulie ou un taquet pour contrarier votre manoeuvre en cours en l'empêchant de filer comme prévu, et c'est ainsi que certains envois ou affalages de voiles en solitaire se soldent par des allées et venues précipitées de l'avant à l'arrière sur le pont.

Le pire de tous ces soi-disant objets est certainement celui qui équipe Dudule l'hydrogénérateur de Nomade.

Un bout ( ... "boute " !) d'une vingtaine de mètres est mis à la traîne derrière le bateau avec le bras d'hélice qui fera tourner le système pour produire l'électricité. Suffisamment long pour intégrer les mouvements du bateau, les trains de houles, en gardant l'hélice bien dans l'eau à l'horizontale, et tout ça s'entend parfaitement bien.

La partie ... de rigolade, on peut le dire ... est lorsqu'il faut rentrer le système, et donc le bout à bord.

Technique : j'envoie un pare-battage avec un mousqueton glisser sur ce bout jusqu'à ce qu'il vienne en extrémité freiner puis stopper la rotation de l'hélice, sinon la remontée est impossible. Et puis on remonte tout ça, parfois ça tire fort, très fort et on prend un winch pour aider, si le bateau marche assez vite surtout.

Et bien ce fichu bout, tellement bien investi de sa fonction de transmission de rotation, bien que ne tournant plus et tendu dans l'effort donc absolument droit s'évertue à me provoquer un plat de spaghettis empli de boucles serrées, de "cocottes" à la remontée en vrac dans le cockpit, qui m'obligeront à prendre grand soin de lui pour lui redonner une allure convenable et le ranger avec un air satisfait sur le balcon arrière.


... Objets inanimés.....?

Et puis ...
Et puis ce soir  qui je vois arriver à Galway à côté de moi ?
Mes hollandais sur leur "Rambling Rose"... qui viennent se poser là aussi quelques jours.
Un pot à leur bord, un excellent "spumante" italien, on refait ... pas encore le monde, mais je sens que ça ne va pas tarder, (puis j'ai tout de même passé plus de vingt ans dans une boite hollandaise avant de finir brièvement ... japonais interrompu) mais nos routes respectives autour d'un bon verre ... et comme ils ont envie de découvrir Galway, eh ben je les emmène ce soir au pub "The Quay" ... ce sera ma tournée, normal, non ?


Elle, hollandaise adorable de gentillesse et puis lui, un vieux voileux irlandais d'origine, avec sa longue tignasse et barbe gis-blanc, genre vieux hippie sélect, ayant vécu longtemps en nouvelle Zélande, et qui a couru des courses dans sa jeunesse depuis les années soixante-dix comme des Sydney-Hobart entre autres.. et qui a des tas de choses à raconter.





1 commentaire:

  1. Bonjour Dominique,

    Le voyage ce sont des histoires de "bout", de manoeuvre, de paysage mais aussi et surtout des belles rencontres. Merci pour ta "retranscription" qui permet à celles et ceux qui sont (encore/de nouveau/toujours) à quai de partager un peu de ces moments.

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