mardi 23 juin 2015

Le paradoxe de Shannon.

Non, ça n'est pas le titre du dernier ouvrage de philosophie que je suis en train de lire.

Mais cette Shannon River est bien une sorte de paradoxe, qui réunit sur les flancs de son estuaire et de ses premiers milles, une préfiguration de l'enfer et du paradis.


9H30, je sors de l'écluse de Killrush.
L'eclusière ( non, non, pas un éclusier) me lance un jovial «bon voyage» accompagné de signes de la main, comme s'il était nécessaire de confirmer que la qualité d'accueil des irlandais n'est pas un vain mot.

Mes hollandais font la même route que moi, même destination «Paradise», on est au moteur pour remonter car il n'y a pas de vent. Une vingtaine de milles à faire.

Je disais paradoxe. Déjà, quand j'étais arrivé avant-hier sous la pluie, avec peu de visibilité, j'avais une une curieuse impression d'une espèce de St Nazaire irlandaise avec ses deux ou trois tankers au mouillage en rade de ce grand estuaire et des hautes cheminées au loin..

Shannon River, le plus grand fleuve irlandais, mélange les genres entre belle nature verdoyante et infrastructure industrielle. Un impression d'estuaire de la Loire, en moins dense industriellement mais tout de même.



L'enfer:

Juste après Killrush, déjà, on a la Centrale électrique au charbon avec son quai où doivent venir s'amarrer des tankers pour l'alimenter en charbon.

Quelques milles plus loin, c'est l'ancienne centrale au mazout, qui a l'air bien délabrée, celle au charbon l'a remplacée manifestement, à la suite du choc pétrolier des années 70/80.

Puis encore plus loin, à peu près à la hauteur de là où je bifurque à gauche dans la Fergus River c'est l'usine d'aluminium, une des ou la plis grande d'Europe semble t'il. Donc des tankers aussi, qui apportent de la bauxite venant d'Afrique de l'Ouest, à raffiner pour produire l'alumine, et pour laquelle des associations locales s'inquiètent des effets polluants de la bauxite dans ce milieu naturel.

 La centrale au charbon

 La raffinerie de bauxite pour la production d'aluminium

 Et son terminal pour les tankers



Le paradis :

Déjà, au niveau de Killrush, c'est l'univers des bateaux de ballade à touristes pour aller voir les dauphins, et c'est vrai qu'il y en a dans l'estuaire et que le coin est réputé pour ça, c'est même un des emblêmes de cette petite ville, et j'en ai eu à mes côtés lors de mon arrivée.

Puis au fil de la remontée de la Shannon River, ce sont de doux paysages de collines et de bocages où une des activités majeures agricoles est l'élevage, pour la viande et pour le lait.








En gros c'est l'enfer à ma droite, le paradis à ma gauche, ou l'inverse selon la position d'avancement dans la remontée..

Malgré tout, hormis les infrastructures industrielles, je n'ai croisé quasiment personne pendant cette remontée … ça ne respire pas la suractivité maritime non plus... 
J'exagère peut-être un peu sur l'enfer mais comparé à la beauté fondamentale du reste.... et puis essayez donc d'installer une centrale au charbon à Port  Navalo et une usine d'aluminium à ... Larmor Baden, au hasard pour rigoler , et vous verrez si on ne vous parle pas d'enfer ...!


14 heures, j'entre dans la River Fergus, la porte du «Paradise»

Le courant semble vouloir me retenir, 5,6 noeuds de vitesse surface pour 3,2 voire moins en vitesse fond, le moteur est à la peine.


Puis c'est le labyrinthe des passages étroits et peu profonds entre les iles, îlots, cailloux, langues de sables, et les courants associés.

Un oeil sur le sondeur, un oeil sur la carto, et un oeil ( oui, oui, le troisième oeil) sur la conduite du bateau dans les courants qui font penser étrangement à ceux du Golfe du Morbihan … en fait pour un Morbihannais ça a comme un air de déjà vu. Par moments tout de même, houlà, c'est pas large là, et ya pas beaucoup d'eau, allez on y va en douceur.

p
C'est pas bien large et ya pas beaucoup d'eau


15 heures,la pioche est plantée dans la vase du "Paradise", mes hollandais sont mouillés à une encâblure, silence total et absolu sauf quelques chants d'oiseaux …

La colline "Paradise Hill" qui a donné son nom à ce coin de mouillage

Nomade champêtre.

Et son cap'tain se vote à l'unanimité une bonne Guiness.
 Welcome to paradise...!


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