samedi 15 octobre 2016

Le chasseur de nuages


… Diversion hélicoïdale.


Nomade est toujours à sec sur le «boatyard», mon nouveau ''village''.

Balade à pied jusqu'à la Pointe Sud de l'Ile de Lanzarote puis retour par la Plage de Papagayo.


Dans ce paysage volcanique et aride au possible, on pourrait dire lunaire, jusqu'à la côte, des trouées de plages de sable blond accueillent des eaux quasiment turquoises. 


Au large, pas très loin, tout juste 7 ou 8 milles, les sommets tout autant volcaniques de Fuerteventura, et quelques voiles blanches qui s'y éloignent.

Le vent était au nord-ouest depuis ces derniers jours, bien soutenu et renforcé dans cette zone sud de l'île comme en général dans l'archipel par des accélérations qui sont fréquentes et bien mentionnées sur les guides nautiques. Quand on y arrive par la côte Ouest, le vent se renforce nord-ouest à la pointe sud-ouest, et quand on arrive par la côte Est, il se renforce nord-est à la pointe sud-est.

 
Et entre les deux ? C'est un peu bizarre, des fortes risées, des trous, ça tourne parfois en direction, on mettrait bien un ou deux ris, on voudrait l'enlever dans la minute d'après, mais celle d'encore d'après on est content de l'avoir gardé, on voit certains bateaux, renonçant, qui dès avoir passé la Punta Pechiguera en arrivant par l'ouest pointent vers le port directement au moteur voiles affalées très tôt à l'avance pour finir l'approche, en bouchonnant dans la vague.
Non par quelconque souci de purisme voileux mais plutôt pour ménager mon hélice dans ce méchant clapot et ces vents contrariants, j'avais tiré des bords patiemment lundi à mon arrivée … des bords parfois erratiques.
Avant avant d'entrer c'était plutôt nord-ouest, et arrivé à la place indiquée, vlan une méchante rafale nord-est m'envoie valdinguer de travers dans la panne au moment de mon demi-tour pour me mettre en place. Les marineros du port n'étaient pas de trop pour me prendre les amarres … et c'est là que j'ai senti de plus belle qu'avec une hélice bipale bec de canard bien fatiguée il était temps de gagner en manoeuvrabilité. Allez, une tripale fixe, sans regret.

Sur ma jolie plage de Papagayo, donc, j'hésite à me baigner, plutôt parti pour marcher ce matin.
Le ciel alterne les trouées de soleil entre des nuages qui jouent à se renforcer puis à voiler un peu plus le soleil.

Un homme à priori trentenaire tend l'un de ses bras tatoués vers le ciel, et y pointe ses deux doigts solidement joints, index et majeur, puis il les fait tournoyer vigoureusement dans la direction où le soleil s'est caché derrière les nuages. (Dans le sens des aiguilles d'une montre, ça j'ai bien remarqué).

Il insiste, pendant quelques minutes, fait plusieurs essais de la sorte, puis finit par lancer en regardant sa copine un «basta!» en jetant sa main derrière l'épaule en geste de dépit, et abandonne, comme si quelque chose ne fonctionnait pas.
Puis le voilà qui reprend son tournoiement quelques instants plus tard, avec une belle insistance, le mouvement se fait plus rapide, plus décidé, à la recherche d'un frémissement de quelque chose que j'ignore.
Le mouvement n'est-il pas un peu hélicoïdal, tiens ? Encore une histoire d'hélice, ça doit être obsessionnel.

Vient un moment où l'esquisse d'un sourire apparaît sur son visage, il tournoie ses deux doigts tendus au bout de son bras de plus belle et … mais oui … une légère trouée semble se décider dans la direction des doigts et un timide rayon de soleil commence à percer le nuage récalcitrant.
«Guarda!» dit-il à sa copine avec un sourire cette fois-ci évident de satisfaction, ramenant son bras à la hauteur de l'autre dans un geste d'écartement des mains qui voudrait appuyer un «tu vois!» ou quelque chose comme ça. Il y ajoute des mots manifestement en italien... Faudrait que j'apprenne l'italien, moi ...

Cependant le nuage placide mais facétieux n'a pas dit son dernier mot, le voilà qui remet son voile devant le soleil comme pour ne pas s'avouer vaincu.
La copine allume une clope, il en allume une également, on sent le renoncement. Dire qu'il prend un air dépité tiendrait peut-être de l'interprétation abusive de ma part, mais une chose est sûre, ils reprennent leurs affaires, sac et serviettes.
… Et ils s'en vont …

Quant à moi, je me rallonge sur le sable, la tête et le regard dans les nuages, vu que le soleil ne m'éblouit pas, mais c'était moins une …si ça avait marché j'étais bon pour faire la sieste avec le chapeau sur le nez, à rêver d'hélice, de pas fixe et variable et de réusinage d'embout d'arbre, à chasser les nuages de l'impatience.

Ceci dit, je ne sais pas si je dois mener trop grande satisfaction de cette observation discrète et inattendue, car n'y a-t-il pas ce proverbe chinois (c'est peut-être même de Confucius) qui dit:
«Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt ...»


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