vendredi 7 octobre 2016

De Madère aux Canaries

mercredi 5 octobre

Je quitte Quinta Do Lorde vers 10h10, vent bien établi au travers dans les 20 noeuds dans la baie, puis monte encore un peu, je prends un ris et je réduis le génois d'un petit tiers.

C'est en début d'après-midi, en passant la dernière île des Ilhas Desartas qui la bordent dans son sud-est que Madère me salue une dernière fois en m'envoyant uns sévère rafale de 35 noeuds dégringolée de cette dernière haute falaise, pendant que j'étais à la table à cartes à valider mes waypoints. ''Sors dehors pour faire ta révérence, mon petit bonhomme'', semble me dire la belle Madère … et la révérence je fis … ou plutôt Nomade, surpris par la claque brusque et puissante, départ au lof, couché.

Suivi d'un embrouillamini de vents tournants, on est au près, vent arrière, de travers, ça empanne, c'est le foutoir ça tourne en peu dans tous les sens pendant quelques minutes, puis ça y est... la séance d'adieux est finie...

Appel de Wallis en VHF aperçus brièvement sur l'AIS, ils sont partis de Funchal sans doute en même temps que moi, je les devance de 7 ou 8 milles.


Les premières trente heures de cette route se font dans une mer bien formée ( comme on dit dans le jargon adéquat mais moi je dirais plutôt déformée) et sous une moyenne de 25 à 26 noeuds de vent établis, par le travers, parfois quasiment 30 dans les risées. Deux ris en GV, génois roulé à la moitié, Ben (...Benhur) le windpilot est mis à la contribution et une fois passées les difficultés à le régler et que j'ai bien compris ce qu'il me demandait, pas trop de toile, bordé juste ce qu'il faut, il assurera le travail en brave compagnon jusqu'au bout de la route.

Je n'ai pour ainsi dire pas barré du tout sur les 280 milles à part au début pour sentir le bateau et trouver les réglages.

Ben demande juste un petit réajustement de temps en temps de l'angle au vent de la girouette pour coller au cap de la route, alors dès que je vois que la trace dévie un peu trop sur le traceur, il y a des surventes qui le font encore dévier parfois, je pointe mon nez hors de la cabine, je tire du bon côté du petit cordage mis en place sur la molette pour ajuster l'angle et je rentre dans mon cocon.

Un vrai compagnon, ça !


Dudule, l'hydrogénérateur est de la partie aussi, pour assurer la fourniture électrique en relais des panneaux solaires pendant la nuit.

Je vis beaucoup à l'intérieur, dehors le vent est frais, je dévore ''Le journal d'un corps'' de Daniel Pennac, je me chipote un plat de nouilles en y écrasant vaguement mon tube de sauce tomate, ça c'est le plat réconfort passe-partout, je grignote. Personne à part quelques traces AIS lointaines, un coup de veille radar intermittente, je dors bien, et sur ce plan là, je peux dire que je commence à savoir allonger la foulée aussi. Il y a comme une confiance qui s'installe, Nomade marche bien, mes ''yeux électroniques'' fonctionnent, et en haute mer y'a pas foule.


Camomille du soir, espoir …


Jeudi 6 octobre

à 10H20, soit en 24 heures, j'ai parcouru 135 milles, la moitié du chemin.

J'aime bien ce moment d'équerrage sur une route, pouvoir me dire que j'ai fait la moitié, ce moment du pointage est toujours un petit bonheur.

En milieu de journée, le vent baisse un peu et s'établit au tour de 20 noeuds, 17 à 28 en fin de journée. J'ai gardé les deux ris, c'est plus confortable, et y'a pas le feu ...et Ben aime bien, imperturbable ...

17H30, j'écris ''reste 97 milles'' sur le cahier de bord et je replonge dans mon bouquin.

J'améliore le dîner ( ya comme un temps de latence pour se sentir assez bien et se lancer dans la cuisine dans une navigation remuante) … Lentilles aux petits lardons, top ! Je m'autorise un 'tit coup de rouge.


Tilleul du soir … toujours espoir.

Les nuits sont aussi longues que les jours, il faut donc donner un sens à ces nuits en mer, il faut les conjuguer au présent elles-aussi, ne pas en faire seulement cet espèce d'intermède inconscient de la vie terrienne… j'apprends ça également, comme une envie de tout vivre, chaque instant, à fond.


Vendredi 7 octobre

8H locale, le jour est levé, il me reste 25 milles à faire, je largue les ris et libère tout le génois, la mer s'est bien aplatie, le temps est encore brumeux et je guette les reliefs des Canaries, encore trop loin pour les apercevoir.

13h20, j'ai jeté la pioche dans la jolie petite baie de Playa Francesca, au sud de l'Ile de Graciosa.

L'impression d'être mouillé à l'entrée d'un désert aride où poussent quelques bosquets rabougris, pas de route, un chelin dans le sable, je vais rejoindre le village et ses maisons blanches et plates comme un sentiment d'Afrique pour faire coucou aux Wallis qui ont trouvé une place dans le petit port de Caleta Del Sebo.


Demain saud si je trouve une place dans le port, ce qui n'est pas gagné, je pense rejoindre Lanzarote, pour avoir un pied à terre afin de pousser en arrière d'un bon coup de sandale la décade que je vais laisser derrière moi… on sera le 8 … et je vais attaquer la nouvelle, bien décidé à la conjuguer au présent plus que jamais !!


posté par Dom depuis Graciosa, le 7 octobre 2016

(photos quand j'aurai un vrai réseau)

2 commentaires:

  1. hello Dom !

    merci pour ton mail qui respire LA LIBERTÉ !!!
    ton passage à Lisbonne me rappelle de beaux souvenirs, pour y être aller en vacances & concerts Anda en 2008,
    le fado & la beauté de la ville m'ont marqué également !
    "O sohno" de Anda en est d'ailleurs imprégné au travers du singulier Fernando Pessoa...
    ...& puis je vois sur ton blog que tu arrives aux Canaries ! bien plus lointains mais bons souvenirs là encore avec "Regard show Police" ! il y a 25 ans...
    je suis heureux que ma musique fasse partie de celles qui t'accompagnent dans ce voyage au long cours. merci & Si tu es arrivé à Lanzarote, c'est bel & bien l'endroit choisi pour laisser derrière toi tes 60 années de lave pétrifiée & entamer une nouvelle décennie des plus volcanique !!! car on sent bien que c'est en pleine activité sous "la croûte trutestre" !

    ALORS MON CHER FRÈRE DOMINIQUE JE TE SOUHAITE UN SUPER JOYEUX ANNIVERSAIRE AVEC UN ÉNORME GÂTEAU VOLCANIQUE !!!
    Dan' qui t'embrasse

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  2. Bon Anniversaire Dominique pour ta 60taine , loin de la France, dans l'une des iles perdue dans l'océan.
    Superbes les photos des differents pays et nous suivonsavec intérêt ton parcours.
    Bon vent
    Bises au loin de Marie. Jeanne et Rémi

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