mardi 14 mai 2019

Faire la Manche

Et bien c'est pas toujours si facile …
Lundi 13 mai
Je quitte Camaret encore endormie à 8 heures du matin, pour une traversée de la Manche vers les Iles Scilly qui s'annonce au mieux.
Un bel anticyclone s'installa, le baromètre du bord est au plus haut, le vent sera Est-Sud-Est, parfait pour une montée au portant, ensoleillée, cool.
Le Chenal du Four s'avale avec le courant de marée, Molène et Ouessant me font de l'œil mais non, j'ai ma route, désolé/.
Je risque même une séquence dénudée au soleil, vent frais mais grand soleil alors ... et puis sous spi …. royal …

Et ... puis …
Et puis plus je monte plus ça monte.:
La houle quand j'ai vraiment quitté les derniers contreforts de le pointe bretonne se renforce et le vent monte.
C'est surtout la combinaison des deux qui fait l'effet.
La mer devient ce que le qualificatif météo marine en fait = mer forte.
Une grosse houle courte et abrupte, d'Est par mon plein travers et perturbée par les résiduels, j'imagine, de la houle d'Ouest précédente.
On dit aussi "mer croisée" dans nos jargons … moi je dirais carrément une mer bordélique, qui crache des vagues déferlantes qui envoient valdinguer Nomade, ou même exploser dans le cockpit et l'inonder pour m'impressionner.
Benhur le régulateur d'allure est out-of-service, dépassé par les évènements, tom le pilote fait ce qu'il peut pour me permette de me reposer dans mon shaker ….
Environ 19 heures pour traverser, mine de rien … les 120 milles.

Mais heures là sont longues.
Et puis ces conditions là  je ne m'y attendais pas, pas encore bien amariné, enfin pas pour ce niveau là, pas si vite .
Alors comme en plus ça va vite , j'arrive non pas au lever du jour mais à 3 heures du matin, faible reflet de lune , pour entrer dans l'archipel de Scilly.
Le Phare de St Mary's me fait des clignements d'yeux, la Est me balance ses 3 flash blancs ( parce que 3 heures sur une pendule ça montre l'Est, les marins sont finalement "terre à terre" ?) 
La verte, la rouge, bien viser, Nomade roule bord sur bord dans l'entrée du chenal, la houle entre encore gros mais j'espère qu'elle va se casser en me disant une espèce de "sinon je suis mal".
Je suis un peu tendu, pas le moment de me raconter une blagounette à deux  balles.
D'ailleurs personne ne m'en racontera, je suis solo , je l'ai bien cherché non ?

Et puis ça passe la houle s'étouffe dans le goulet d'entrée, le léger pouf-pouf du moteur me rassure … j'arrive et c'est cool ….Voiles affalées, Nomade ronronne son plaisir de l'arrivée.
Mais ..il faut mouiller et il fait nuit, lune faiblarde qui tombe bientôt derrière l'horizon, j'ai quand même une petite tension résiduelle.
Je contourne bouées, clignotements, alignements et autres repères, et j'arrive dans la zone des corps morts de mouillage. Le repos du guerrier est proche;

Et puis ..et puis , survient cet instant où le belle mécanique s'enraye …
Le moteur cafouille, puis se bloque, Nomade bloqué entre des bateaux de pêche, coincé avec un bout dans l'hélice, plus de manœuvre possible, fait nuit, l'eau est glaciale, je suis un peu dans ma m... bloqué dans la zone de mouillage des pêcheurs.
mais pas de quoi pleurer, manquerait plus que ça, je l'ai bien  cherché tout ça non ?
 je sécurise Nono sur le corps mort coupable de laisser un cordage trainer interminablement comme ça … et je vais me reposer un peu ...cre-vé!
Je dors plus ou moins une demi-heure 
Puis dans le presque sommeil vient l'idée qui se transforme en urgence : j'ai un très long cordage à bord. Je gonfle l'annexe , vais à la rame porter ce long cordage sur la zone de mouillage appropriée, et je déhale Nono en tirant comme ces tireurs-à-la-corde de kermesses de village … je vais gagner, c'est sûr !

Je gagne ….3 heures de boulot, pour ainsi dire.
Le jour commence à se lever, je n'ai plus besoin de la lampe frontale.
Me restera à plonger pour couper les cordages pris dans l'hélice, ce qui sera fait dans l'après midi dans une eau à douze degrés , ne me souvenant que j'ai une combinaison de survie ….

Je m'apprête à regagner un couchage rêvé et sublimé quand ….
…..
Je vois mon annexe , mal attachée, s'éloigner inexorablement, je l'avais mal attachée ?
Avec le vent d'Est qui piaule  c'est sûr … je ne le reverrai plus …

L'humain, finalement, est un être plein de ressources, mais très inachevé.

3 commentaires:

  1. Bonjour
    Au vu des gribs je me doutais que la traversée ne serait pas de tout repos, mais pas à ce point! A quand la suite? La porte vers la mer d'Irlande semble se fermer dans la nuit de jeudi à vendredi. Courage!

    Dominique

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  2. Un retour a la réalité en solo un peu brutal....Je préfèrerais une entrée en matière plus light pour mon départ.
    Guy

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  3. Eh bien!
    Pas facile les Scilly, même quand les conditions semblent bonnes!
    Essayé de te suivre depuis Camaret mais ton AIS émet par intermittence.
    Toujours au mouillage à St Mary, apparemment?
    Comment aller boire une pinte au Mermaid sans annexe?

    Vennec

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