vendredi 18 novembre 2016

Mindelo, cordages et cordes


ou
Accorder les cordes et les cordages ...

Le monde du voyage à la voile, celui qui permet d'aller jusqu'à Mindelo notamment, est un monde qui se maintient par quantités de cordages, drisses, écoutes, garcettes, estropes, amarres, hale-bas, balancines , et j'en oublie … Et aussi bien sûr de voix (même en solitaire, le bateau on lui parle, on l'encourage, on lui ferait presque la conversation parfois car il semble avoir les choses à nous dire).

Le monde de la musique et notamment celle qu'on peut entendre à Mindelo est fait quant à lui de cordes, et aussi de voix, qui peuvent être envoûtantes, sublimes.
Ça fait une proximité dans ce qu'on recherche dans un tel voyage.

Dans les deux cas il est question d'accords, en quelque sorte.

Je suis retourné en soirée tardive dans le petit bar-librairie, et cette fois-ci on y jouait pour de bon.
Comment dire autrement que je suis resté scotché.
Un guitariste excellent dont mon voisin de table cap-verdien ( qui parle un excellent français, ayant vécu en Belgique pendant un temps) me dira qu'il est le neveu d'un musicien compositeur qui a fait la bande musicale d'un film d'Almodovar) accompagne un chanteur pour lequel j'ai du mal à trouver les mots.
La profondeur de son chant partant de thèmes locaux, les langoureuses mornas ou saudades, nous emporte dans des séquences qui s'égarent parfois dans des onomatopées, des espèces de «ska» très jazz qui m'ont fait penser à un Al Jarreau, avec une maîtrise de chant époustouflante.
Le moment est purement magique, de ceux où on a juste envie que le temps s'arrête.
Il s'appelle Kapa.
Quand il a fait un break pour passer le relais à une jeune chanteuse tout à fait talentueuse elle aussi, et qu'il est sorti dans la rue devant ce minuscule bistrot dans lequel sont exposés des livres dont des poésies qui me font regretter de ne pas maîtriser la langue portugaise, je suis allé discuter un peu avec lui.
Kapa n'a jamais appris la musique, il chante , me dit-il, avec sa gorge, avec son souffle, avec son ventre, et avec son coeur et ses tripes.
Ma référence à Al Jarreau n'était pas erronée, c'est me dit-il un de ses chanteurs préférés.
A mon grand regret il n'a jamais enregistré le moindre CD. Donc le seul moyen de l'entendre est de venir ici, à Mindelo.
Il fut dans sa jeunesse footballeur professionnel dans des clubs importants au Portugal, il me montre sur un des livres des photos de lui en jeune footballeur. Mais un telle maîtrise du chant m'a complètement conquis, avec cette voix profonde qui vient comme te fouiller l'âme à la recherche des émotions enfouies.

Mon voisin de table ( … qui parle un excellent français …) me dira à son propos qu'il vit de trois fois rien, n'a même pas l'électricité et l'eau courante, et n'est connu qu'ici à Mindelo.
On est un peu comme dans l'histoire de Cesaria, la diva aux pieds nus pour laquelle mon voisin ( ... celui qui ...) me dira que cela fut un coup de chance extraordinaire qu'elle fasse cette percée et devienne mondialement connue.
Il me dira également «Si vous connaissez quelqu'un qui peut le faire connaître, n'hésitez pas»

Quelqu'un de ce niveau là, de ce talent là manque vraiment à être connu.
Je suis rentré au bateau, je peux le dire, tout retourné.

Le lendemain matin, avec mes voisins de pontons, nous échangions sur nos trouvailles musicales de la veille, eux aussi étaient revenus en plein nuit, après un interminable concert jusqu'à 2 heures et demi du matin dans un bar-restau où on consomme pour trois fois rien, émerveillés par ce qu'ils avaient entendu.

C'est aussi ça, Mindelo … cette âme talentueuse qui tiendrait de quelque chose d'un peu ... brésilien..? cubain ..? en tout cas avec sa propre résonance magique et envoûtante.

1 commentaire:

  1. ...une petite video faite avec ton APN pourrait nous donner une idée de ce talent méconnu et a faire connaitre !!!???

    RépondreSupprimer

Vos commentaires ou messages sont les bienvenus ici.