vendredi 2 décembre 2016

Le grand saut



C'est comme si jusqu'ici cela n'avait été qu'un intermède, une mise en jambes, malgré tous ces milles déjà parcourus, ces escales toutes plus belles les unes que les autres, Galice, Portugal ( Porto, Lisbonne … ah Lisbonne …), puis Porto Santo, Madère, Les Canaries ( La Graciosa, Lanzarote, Tenerife, La Gomera, El Hierro)
… puis Le Cap Vert … point d'orgue du premier épisode.

Quels adjectifs trouver pour le Cap Vert?
Dépaysant, attachant, coloré, accueillant, authentique, beau, chaloupé de ses musiques, mornas, sodades, jusque dans ce petit resto en fin de rando à Ponta Do Sol sur Santo Antao, un djembé ert une guitare toute simple et le guitariste qui chante, assis sur un tabouret auprès des tables où l'on dîne, sans rien d'autre, sans micro, sans sono, ça chaloupe toujours un peu, cette musique, vaguement rythmée par le bruit du ressac qui s'écrase sur les rochers et des cris d'enfants un peu plus loin qui jouent encore à la nuit tombée.

On oublie facilement les quelques quémandeurs permanents guettant notre passage de la sortie de la marina, à Mindelo, en nous lançant des « hé, mon ami », « hé capitaine », et qui finissent immanquablement par nous demander quelque chose.
Comme Umberto, toujours chaleureux, qui te fait des grands signes sitôt que tu passes le quai de la marina en te donnant des "Hé, mon ami !" te serre la main, te passe la main sur l'épaule comme un vieux pote et suit ta marche jusque dans la rue, et puis vient sa litanie habituelle … «je peux faire du travail sur ton bateau, mon ami … un petit travail pour moi» … et moi de lui répondre à chaque fois «mais non Umberto, je t'ai déjà dit, mon bateau est petit et je suis tout seul dessus, j'ai pas de travail à te donner» … Et Umberto n'insiste jamais trop, puis le lendemain il me ressort son sourire chaleureux et sa sempiternelle litanie en venant vers moi … comme si ça devait faire partie du folklore … pas «chiant» Umberto, juste collant des fois, quand même … Et puis l'autre jour il avait été embauché sur un gros Oceanis 55 américain, pour faire des bricoles genre nettoyage. Umberto pavoisait lorsque je suis passé à côté, on a bien rigolé ...

Ne serait-ce pas finalement une erreur de faire une boucle atlantique sans passer par le Cap Vert?

L'avitaillement ..conséquent … est quasiment achevé, le bateau rangé, les pleins d'eau et gasoil faits, l'inventaire des conserves et aliments de base, riz, pâtes, farine, légumes secs genre lentilles, etc ...tout est ok, me reste à acheter du frais, des fruits, des légumes ( la viande, les jambons, les saucissons, les gars, au Cap Vert on oublie …) pour tenir une bonne partie de la traversée, 16 à 18 jours probablement.

Il me reste à changer mon génois , pas la peine de laisser un mylar-double taffetas coupe tri-radiale taillé pour la régate pour faire 2100 milles de portant, je vais remettre le génois standard en dacron.
A part ça je crois bien que je suis quasiment prêt ….

L'ambiance est aux départs, qui ont commencé. On fait des grand au-revoir aux partants, en leur lançant des « bonne traversée », des «safe crossing », on discute sur le choix de descendre un peu sud pour chercher plus de vent et éviter une « molle » qui se présenterait dans les jours à venir mais qu'on se demande si ça vaut vraiment le coup de descendre… On se dégringole d'internet des fichiers GRIB, des cartes d'analyse de surface et de prédiction Wind/Wave, et on boit des coups en échangeant ses choix …

Et bien voilà … j'en ai rêvé, de ce moment particulier, effleuré il y a 9ans déjà en équipage à bord d'Akela, partis de ce même endroit, Mindelo. Je m'étais juré que je le referais, en solitaire... J'y suis.

Sur le plan de l'émotion … je ne vous en dis pas plus.
Vendredi, police des frontières faire tamponner le passeport pour la sortie de territoire, police maritime pour récupérer les papiers du bateau ...

Je largue les amarres samedi, et j'ai un océan à traverser …
J'ai crevé l'oreiller,
J'ai dû rêver trop fort,
(...chantait Bashung ...)


3 commentaires:

  1. ...eh bien pour avoir suivi ce projet de près, je suis ravi de te savoir aux portes de ce grand jour...tu nous a fait beaucoup rêver jusqu'ici, nous ne pouvons te souhaiter que ce rêve continue encore un bon moment, tu le mérite largement...! nous te souhaitons donc une belle et douce traversée et qui sait un "petit coucou" de l'autre coté de la grande bleue pour y boire un tipunch ! les Mainguy's t'accompagnent !;-)

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  2. Salut Lamido, te voici sur les starkings bloc paré à ta grande ligne droite.
    Je n’ai pas trop de souci pour toi avec ta bonne préparation.
    Ta seule inconnue c’est la solitude sur 18 jours avec en bonus les alizés. C’est sur cette grande bleue que l’on peu se rendre compte que la terre est encore « préservée ». Réserves toi à mi parcours une petite rasade de Bordeaux, avec du sauciflard si il t’en reste ! qq grains mettrons du piment dans ton quotidien, et puis un jour tu apercevras des nuages à l’horizon, puis des oiseaux ainsi dans les 48 heures suivant tu jetteras l’ancre dans les Caraibes.
    Bon vent
    Kenavo
    Eagle IV

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  3. Salut Dominique,
    Que de route parcourue depuis que nous nous connaissons et que nous avons fait ensemble nos premières ascensions. Quelle obstination, qu'elle ténacité et quel soucis du détail. Le moins de place laissée au hasard : franchement, respect pour ce que tu as fait,pour ce que tu fais et pour ce que tu es.
    Des bordées de bisous de tous les Coléno's et, désolé pour la platitude, bon vent pour la traversée. Pour finir la messe qui sans le latin nous emm..de, quand même, Neptunus favet Domi
    Reprends une nouvelle bordée de nos plus affectueuses pensées et bisous.
    Fred, PY et toute leur clique (Black Pearl t'attend aussi pour ton retour avec ses plus beaux atours;-) )

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