«Are you also a single handler?» me
demande le voisin de ponton anglais ce soir.
Depuis les quelques jours que je suis à
Quinta Do Lorde, on avait l'air de se jauger l'un et l'autre, avec
cette retenue des solitaires qui rend difficile la connexion à se
faire trop rapidement.
J'aurais failli écrire ''le vieil
anglais'' mais j'ai l'impression que cette notion de vieillesse n'a
plus trop de sens, comme si le temps avait relâché son emprise sur
ces vieux routards de la mer.
… Et ça fait un bien fou, ce
constat. ( à 5 jours de virer dans la décade sexa ...)
Il a assurément ''quelques'' années
de plus que moi, mais peu importe, hein ?
Alors, oui, je lui réponds que yes, je
suis bien moi aussi un ''single handler''.
Cette expression, j'en ai fait
connaissance l'an dernier déjà en Irlande, quand j'avais usage de
dire que j'étais ''lonely sailor'', on m'avait plutôt renvoyé
cette expression, on navigue ''single handed'' ou bien on est un
''single handler'' … pour exprimer mieux l'aspect solitaire non pas
tant dans la notion de ''solitude'' que dans l'aspect, en collant au plus proche du sens de cette
expression anglaise, du ''tu te démerdes tout seul''.
Je l'aime bien finalement cette
expression, ça pose mieux les choses, et ça met l'aspect de la
solitude à un degré de moindre importance que celle du côté
''démerdes toi'' qui est pour ainsi dire le noeud, le coeur, le
moteur, de ce quelque chose bizarre qui nous anime.
Bon, évidemment ça a fini par un
verre à son bord, brave voilier anglais de 32 pieds (grosso-modo, un
Nomade en taille, ça nous rapproche, et bien plus âgé que Nomade) … un bon coup de rouge
(portugais, mais ils en ont des fameux, croyez moi) offert par un
anglais à son bord, c'est-y pas beau, ça ?
Zut, j'ai déjà oublié son prénom,
je lui redemanderai demain soir à la revanche à bord de Nomade.
Et puis, comment dire, il semble qu'il
faut une proximité de vécu pour que la mayonnaise prenne, pour
qu'une connexion se fasse, c'est avec un solitaire que la connexion a
pu se faire ici dans ce port si (trop?) tranquille.
Mon ''vieux'' solitaire anglais s'est
posé ici à Madère récemment et compte y rester pas mal de temps,
moyennant quelques aller-retours chez lui en angleterre, puis
repartir ensuite, du genre l'an prochain, mais c'est du genre ''ya pas le feu''.
Il a fait sa descente ''single'', papy,
depuis l'Angleterre sur Madère, sans escale, un bon 1200
milles en direct théorique, mais ce ne fut pas direct, donc bien
plus que 1200 réels, et bien bien au large du Golfe de Gascogne,
avec un équipement ma foi assez basique … respect !
Ah, un autre point commun, il a lui
aussi un ''Benhur'', enfin un régulateur d'allure WindPilot comme le
mien, et nous avons loué tous les deux les qualités de cet engin …
merveilleux !
Je découvre des gens, comme ça, d'un
genre que je soupçonnais mais sans en avoir réellement rencontrés
encore à part mon Bill en Irlande mais là un cran au-dessus, et
surtout dans cette dimension des ''single handlers'' … qui ont
acquis une capacité à se poser, sans se … poser cent mille
questions sur ce qu'on va faire dans la journée, demain, la semaine
prochaine … des gens qui semblent avoir acquis une façon de
laisser couler le temps un peu comme on laisse le vent faire son boulot sans lui résister… ça m'émeut !
Ce sont ces belles rencontres, même si
courtes et sans lendemain, qui me font autant leçon que les
expériences de mer en tant que telles …
Départ pour les Canaries, sans doute
mercredi dans la matinée, deux jours et quelques (en principe ...) de navigation pour
un peu moins de 300 milles, on est bien ici, à Quinta, les gens du
port sont d'une amabilité et d'une serviabilité d'un niveau assez
étonnant, et Madère est bien belle, mais finalement ça démange …
va falloir y aller.
Coucou Dom. Superbes les photos dont tu nous fait profiter. Un grand merci ! et de belles rencontres comme ce "vieil" anglais qui sait désormais profiter du temps avec bonheur ! rassurant, non ? à l'aube de ton passage à la 60taine !! Bon anniversaire ! claude
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