… Diversion
hélicoïdale.
Nomade est toujours à sec sur le
«boatyard», mon nouveau ''village''.
Balade à pied jusqu'à la Pointe Sud
de l'Ile de Lanzarote puis retour par la Plage de Papagayo.
Dans ce paysage volcanique et aride au
possible, on pourrait dire lunaire, jusqu'à la côte, des trouées de plages de sable blond
accueillent des eaux quasiment turquoises.
Au large, pas très loin,
tout juste 7 ou 8 milles, les sommets tout autant volcaniques de
Fuerteventura, et quelques voiles blanches qui s'y éloignent.
Le vent était au nord-ouest depuis ces
derniers jours, bien soutenu et renforcé dans cette zone sud de
l'île comme en général dans l'archipel par des accélérations qui
sont fréquentes et bien mentionnées sur les guides nautiques. Quand
on y arrive par la côte Ouest, le vent se renforce nord-ouest à la
pointe sud-ouest, et quand on arrive par la côte Est, il se renforce
nord-est à la pointe sud-est.
Et entre les deux ? C'est un peu
bizarre, des fortes risées, des trous, ça tourne parfois en
direction, on mettrait bien un ou deux ris, on voudrait l'enlever
dans la minute d'après, mais celle d'encore d'après on est content
de l'avoir gardé, on voit certains bateaux, renonçant, qui dès
avoir passé la Punta Pechiguera en arrivant par l'ouest pointent
vers le port directement au moteur voiles affalées très tôt à
l'avance pour finir l'approche, en bouchonnant dans la vague.
Non par quelconque souci de purisme
voileux mais plutôt pour ménager mon hélice dans ce méchant
clapot et ces vents contrariants, j'avais tiré des bords patiemment
lundi à mon arrivée … des bords parfois erratiques.
Avant avant d'entrer c'était plutôt
nord-ouest, et arrivé à la place indiquée, vlan une méchante
rafale nord-est m'envoie valdinguer de travers dans la panne au
moment de mon demi-tour pour me mettre en place. Les marineros du
port n'étaient pas de trop pour me prendre les amarres … et c'est
là que j'ai senti de plus belle qu'avec une hélice bipale bec de
canard bien fatiguée il était temps de gagner en manoeuvrabilité.
Allez, une tripale fixe, sans regret.
Sur ma jolie plage de Papagayo, donc,
j'hésite à me baigner, plutôt parti pour marcher ce matin.
Le ciel alterne les trouées de soleil
entre des nuages qui jouent à se renforcer puis à voiler un peu
plus le soleil.
Un homme à priori trentenaire tend
l'un de ses bras tatoués vers le ciel, et y pointe ses deux doigts
solidement joints, index et majeur, puis il les fait tournoyer
vigoureusement dans la direction où le soleil s'est caché derrière
les nuages. (Dans le sens des aiguilles d'une montre, ça j'ai bien
remarqué).
Il insiste, pendant quelques minutes,
fait plusieurs essais de la sorte, puis finit par lancer en regardant
sa copine un «basta!» en jetant sa main derrière l'épaule en
geste de dépit, et abandonne, comme si quelque chose ne fonctionnait
pas.
Puis le voilà qui reprend son
tournoiement quelques instants plus tard, avec une belle insistance,
le mouvement se fait plus rapide, plus décidé, à la recherche d'un
frémissement de quelque chose que j'ignore.
Le mouvement n'est-il pas un peu
hélicoïdal, tiens ? Encore une histoire d'hélice, ça doit être
obsessionnel.
Vient un moment où l'esquisse d'un
sourire apparaît sur son visage, il tournoie ses deux doigts tendus
au bout de son bras de plus belle et … mais oui … une légère
trouée semble se décider dans la direction des doigts et un timide
rayon de soleil commence à percer le nuage récalcitrant.
«Guarda!» dit-il à sa copine avec un
sourire cette fois-ci évident de satisfaction, ramenant son bras à
la hauteur de l'autre dans un geste d'écartement des mains qui
voudrait appuyer un «tu vois!» ou quelque chose comme ça. Il y
ajoute des mots manifestement en italien... Faudrait que j'apprenne
l'italien, moi ...
Cependant le nuage placide mais
facétieux n'a pas dit son dernier mot, le voilà qui remet son voile
devant le soleil comme pour ne pas s'avouer vaincu.
La copine allume une clope, il en
allume une également, on sent le renoncement. Dire qu'il prend un
air dépité tiendrait peut-être de l'interprétation abusive de ma
part, mais une chose est sûre, ils reprennent leurs affaires, sac et
serviettes.
… Et ils s'en vont …
Quant à moi, je me rallonge sur le
sable, la tête et le regard dans les nuages, vu que le soleil ne
m'éblouit pas, mais c'était moins une …si ça avait marché
j'étais bon pour faire la sieste avec le chapeau sur le nez, à
rêver d'hélice, de pas fixe et variable et de réusinage d'embout
d'arbre, à chasser les nuages de l'impatience.
Ceci dit, je ne sais pas si je dois
mener trop grande satisfaction de cette observation discrète et
inattendue, car n'y a-t-il pas ce proverbe chinois (c'est peut-être
même de Confucius) qui dit:
«Quand le sage montre la lune, l'idiot
regarde le doigt ...»
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