Sujet technique, installation d'un système de rétention des eaux noires.
On a beau vouloir adopter des comportements respectueux de l'environnement lorsqu'on vit à bord d'un bateau ( au sens où on l'habite vraiment pendant des durées au-delà de celles du simple rond dans l'eau) Il n'en reste pas moins que la question de nos rejets naturels est posée.
Dans ce joli mouillage en eau turquoise dans laquelle les gens des bateaux voisins ou les terriens locaux vont se baigner, comment gérer une envie pressante à bord sans envoyer flotter alentour pendant quelques minutes quelques désagréables objets bruns avant qu'ils ne coulent au fond pour nourrir les poissons et repartir dans le grand cycle .... naturel ?
Ces rejets que l'on nomme "eaux noires" font d'ailleurs l'objet d'une loi qui oblige les bateaux habitables construits depuis 2008 à être équipés d'un système de rétention de ces "eaux noires".
Et cette loi punit même théoriquement de sévères amendes les déjections à proximité du littoral, bien que rarement voire jamais appliquée il me semble, en tout cas sur notre littoral Atlantique.
Sans entrer dans les détails de la loi, on dit couramment qu'il est interdit de rejeter ses déjections dans les ports et jusqu'à 3 milles nautiques.
Mais en réalité, dans cette zone des 3 milles, il s'agit d'eaux noires broyées et désinfectées par un système adéquat, sinon il fau(drait) respecter une distance de 12 milles de la terre !!!.
Autant dire que si la loi était appliquée, il y a bien peu de bateaux qui seraient à la norme.
Et puis, quid des bateaux antérieurs à 2008? Tolérance en France par la non rétroactivité de la loi? Mais ailleurs?
Il semble que certaines zones comme en Méditerranée sont bien plus restrictives.
Mouiller dans certains endroits aux Baléares par exemple, si j'en crois certains, ou également aux Antilles en certains endroits, sans ce genre d'équipement est impossible. Et n'espérez pas entrer aux USA sans cela non plus, le Coast Guard ne rigole pas.
Afin de me mettre mieux en conformité d'une part, et d'apporter ma petite contribution au confort ( de mes voisins de mouillage) et du mien, j'ai donc décidé de faire cette installation.
Sur le principe, ça semble simple, en réalité, c'est du boulot ... mais voilà c'est fait.
Description technique:
Le schéma de principe est ce de type suivant (extrait d'un catalogue de shipchandler):
J'ai opté de suite pour un système à évacuation gravitaire, plus simple, sinon un réservoir situé en fond de coque, peut-être moins encombrant, nécessiterait l'installation d'une pompe, des connexions électriques supplémentaires, et un coût supplémentaire.
La première difficulté qui m'est apparue, et après avoir consulté pas mal de discussions sur les forums à ce propos, tient à la fiabilité des vannes 3 voies qui permettent d'orienter l'évacuation soit vers la sortie directe ( si on est en mer) soit vers le réservoir ( si on est au mouillage ou au port).
Ces vannes en matériaux plastiques , j'en ai commandé une, ne me paraissent pas assez solides dans la durée, doute confirmé par certains.
Et puis sauf à avoir une sortie séparée pour évacuer le réservoir en mer, donc faire une seconde (alternative à vanne en Y sur le schéma ci-dessus) avec perçage de coque et mise en place de passe-coque, il faudrait une seconde vanne, pas plus fiable que le première sans doute.
J'ai donc opté pour un schéma plus simple, comme ci-dessous:
Pour résumer:
- lorsque je pompe pour faire "chasse d'eau", j'envoie systématiquement vers le réservoir.
- si je suis en mer, la vanne d'évacuation est ouverte, ce qui revient à l'usage initial sans réservoir de rétention.
- si je suis au mouillage ou même au port avec la flemme nocturne ou matutinale d'aller aux toilettes du port en pyjama ( et ça caille) je laisse la vanne fermée ... et je vais me recoucher, pas belle la vie?
- le réservoir pourra être vidé de deux manières:
* en pleine mer, on ouvre la vanne ( et on rince bien en pompant)
* au port - s'il en est équipé - par aspiration des eaux noires par le nable de pont.
Simplicité, fiabilité.
Ce système est d'ailleurs le montage d'origine adopté par certains constructeurs.
Au boulot!
C'était pas si simple mais c'est fait.
Un nouveau siège ergonomique pour le barreur?
Pour un système à évacuation gravitaire, il me fallait un emplacement du réservoir suffisamment au-dessus du niveau de flottaison.
Le réservoir de 40 litres a été placé dans un coin du placard à cirés situé derrière le WC.
Posé sur des équerres de support et sanglé, il se loge juste dans le renfoncement sans empêcher le rangement des cirés et à la bonne hauteur.
Démontage des étagères de cet endroit, vissage de plaques de tenue des sangles sur la cloison ...
Il faut lui greffer les tuyaux, celui qui va au nable de pont pour la vidange par aspiration, celui qui va vers la filtre anti-odeurs puis vers l'évent, celui d'évacuation par gravité en mer, celui de remplissage venant de la pompe du WC.
Rien ne va jamais bien du premier coup.
La jauge destinée à alimenter le cadran de l'indicateur de niveau n'est pas la bonne (photo ci-dessus) je ne peux pas l'installer.
Commande de remplacement = un mois de plus dans la vue, interruption des travaux.
Installation du filtre anti-odeur dans le coffre arrière tribord; perçage sur le tableau arrière pour placer l'évent
Perçage du pont au niveau du passavant pour mettre en place le nable d'aspiration, à côté du nable de remplissage de gasoil.
Mise en place du clapet anti-retour dans le tuyau de montée vers le remplissage du réservoir.
Et passage final et propre des tuyaux de remplissage et d'évacuation.
Puis branchement du cadran de jauge.
Mine de rien, beaucoup de travail, de contorsions dans le placard à cirés mais au final, une installation discrète, simple d'usage et bien pratique.
J'ai eu le temps de tester en mer et au port, c'est non seulement une démarche utile mais du confort supplémentaire. Je pourrai désormais vivre à bord en toute tranquillité au mouillage sans risque de déranger mes voisins, et qui sait ? Accéder à certains mouillages sympas - méditerranéens par exemple - un jour?